Un mois aux Tuamotu
........GALERIE PHOTOS TUAMOTUS 2014.......
...GALERIE PHOTOS SOUS MARINE....
Retour sur le mois de Mai....
Nous passons le mois de Mai aux Tuamotu, entre deux atolls que nous ne connaissions pas : Tahanea et Kauehi.
On appelle cet archipel de Polynésie les «Tuamotu» , ce qui signifie «un ensemble d’iles», un motu étant une ile. Avant cela on l’ appelait les «Paumotu», ce qui signifie «iles conquises», ces iles ayant été conquises par le roi Pomare I°…ou également «iles vertes» , «pau» pouvant signifier la couleur verte du lagon que les navigateurs devinaient dans les nuages au-dessus d’un atoll…Les habitants s’appelaient également les Paumotu. Mais cette connotation d’iles conquises ne leur plaisant guère, ils ont demandé à ce que l’archipel soit nommé «Tuamotu», les habitants restant les Paumotu.
Surnommé aussi «l’archipel dangereux» sur les cartes anciennes tant il était difficile de s’y aventurer sans cartes marines ni GPS, les Tuams, comme on dit, c’est tout ou rien: on aime ou on n’aime pas, on se laisse éblouir par la pureté de la lumière, les couleurs du lagon, la richesse de la faune sous marine, la simplicité des habitants…
ou on repart dégôuté par l’âpreté de cette vie au ras de l’eau, les ombres découpées à vif par un soleil ardent, l‘isolement que la bière et le gas oil ne peuvent faire oublier, le sol stérile, les églises qui tiennent lieu de vie sociale, les jours de pluie où l’atoll n’est plus qu’une serpillère …
En tant que plaisanciers visiteurs on aime !
Partis de Tahuata nous arrivons devant Tahanea au petit matin, il faut ralentir et attendre la renverse des courants et la lumière du jour pour franchir la passe.
Il y a bien les restes d’un village, mais ce paradis inhabité, qui n’a jamais vu d’implantation de ferme perlière, est seulement visité par les pêcheurs d’autres iles, quelques voiliers et clubs de plongée.
Nous y passons deux semaines sans voir personne…d’un motu à l’autre, à contempler, pêcher, glâner des coquillages, faire des photos….Nos compagnons de solitude sont les oiseaux, frégates, nodis, sternes, et les requins aussi abondants que la pêche est bonne. Un mail à Philippe, habitué des lieux, nous confirme qu’il n’y a pas de ciguaterra.
Pour varier le menu Rémi attrape quelques kaveous. Ce sont de gros crabes de terre qui vivent dans les sous bois humides où ils se nourrissent de la fibre de coco. Chair raffinée, au parfum d’humus, dont les polynésiens sont friands. Comme en politique il y a les oranges et les bleus. A regarder, les bleus sont plus beaux, mais quand ils sont cuits ils sont tous orange!
Ceux-là ne sont pas très gros: après la photo on les relâche…
Navigation de nuit vers Kauehi, au ralenti encore, pour ne pas arriver trop tôt devant la passe.
Nous nous arrêtons d’abord au mouillage en face de la passe, trois voiliers sont à l’ancre. Une cabane sur la plage est habitée. Nous faisons ainsi connaissance d’Edouard et Débora: ils passent la semaine à casser le coprah et rentrent le week end au village.
Edouard et Debora décortiquent et font sécher le coprah sur place, comme cela se fait aux Marquises,
alors que souvent dans les atolls, grâce à la voiture, beaucoup préfèrent transporter les cocos et décortiquer devant leur maison au village, la vie y est moins rude…
Pour le week-end de la fête des mères c’est la famille qui vient au secteur, c’est ainsi qu’on appelle ce qui n’est pas le village; joyeuse tablée à laquelle nous sommes conviés comme au bain qui fait passer l’hinano …
Après la fête nous traversons l’atoll et mettons l’ancre devant le village. Kauehi est un des rares atolls où on peut mouiller tout près du village, ce qui permet de passer du temps avec les habitants qui nous accueillent avec une belle simplicité.
Ici tout semble transparent, comme l’eau du lagon, la lumière du ciel, la brise qui passe dans les palmes des cocotiers: on nous ouvre sa maison, son cœur, on nous invite à la table familiale, on nous raconte la petite vie locale, comme si on faisait partie de famille, ou qu’on allait tout emporter tel le vent qui balaye les nuages...
Lorsque Stevenson avait fait escale à Kauehi l’atoll était inhabité. Aujourd’hui Kauhei compte une centaine d’habitants, trois fois plus d’après les statistiques …un aérodrome, une pension, une école, une église, deux magasins, un groupe électrogène communal.
Il y une vingtaine d’années de nombreuses fermes perlières ont vu le jour, amené la richesse pour un temps et l’espoir d’une vie meilleure. Il n’en reste plus qu’une seule en semi activité : la crise de la perle et du monde est passée par là, ceux qui n’ont pas quitté l’atoll ont repris les activités traditionnelles : le coprah, la pêche, l’artisanat…Il n’y a pas de chambre froide communale, chacun congèle son poisson et l’expédie à Tahiti par un petit thonier qui vient d’Apataki …
Kauehi est classé réserve de la biosphère. Nous bavardons avec une jeune femme en mission de comptage des oiseaux de mer pour l’association Manu. Il lui faut bien de la constance et du courage pour travailler avec une population pas vraiment concernée…Elle essaye d’inculquer une sensibilité écologique minimum, et freiner des gestes nocifs à la faune si fragile des atolls. Les plaisanteries fusent sur les omelettes aux œufs de kaveka, les oisillons rôtis et les pêches sauvages. Quand elle s’entend dire en conclusion: «Moi c’est mon ile et dans mon ile je fais ce que je veux» on sent que sa foi est ébranlée …
Pour ceux qui ne peuvent s’offrir des billets d’avion sur Papeete la vie quotidienne dans un atoll est monotone et l’isolement lourd.
Pour rythmer le temps on attend toujours quelque chose.
Là on attend la goélette Maris Stella qui doit amener le carburant. Les cuves sont presque vides, elles attendent sur le quai l’arrivée imprévisible du bateau fantôme, depuis une semaine l’électricité est coupée la nuit, donc les ventilateurs aussi …vivement le jour où tout se remettra en route !
Les étagères du magasin sont vides comme les porte monnaies, on attend également la goélette « Manureva nui » qui passe deux fois par mois…. La goélette fait tout : elle embarque la récolte de coprah et elle amène tout ce dont on a besoin. Payé sur l’heure on encaisse le fruit de son travail, puis on achète tout ce qui se vend, donc on dépense ce qu’on a gagné... jusqu’au prochain passage du bateau…
Le Manureva Nui n’a ni jour ni heure fixe , ce qui met un peu de piquant dans la vie du village. il est annoncé pour Samedi ou Dimanche , tout le monde redouble d’efforts sur le coprah ; il faut en avoir le plus possible à embarquer…
Dimanche après la messe la cahute des acheteurs s’ouvre, chacun vient livrer ses sacs.
Ils sont pesés .
Il y a deux acheteurs, tous les deux achètent pour Les Huileries de Tahiti, à un prix fixe subventionné, qui connaît quelques petites variantes locales : un acheteur offre plus mais paye à crédit, l’autre paye cash mais à un prix plus serré…
Petit à petit tout le village arrive autour du quai. Par petits groupes on discute, on joue à la pétanque ou on fait la sieste , l’attente réunit…
Quand la radio annonce que le Manureva Nui a franchi la passe chacun sait dans combien de minutes on apercevra sa silhouette à l’horizon, dans combien de minutes encore on l’entendra mouiller son ancre ; car la goélette ne vient pas à quai, faute de profondeur suffisante…Une barge débarque les grues et les containers .
En premier c’est le bosco qui débarque, on l’appelle le subrécargue, il est chargé par l’armateur de surveiller la marchandise.
Le coprah est une affaire vite réglée, entre gens de métier. Mais les achats c’est autre chose, un vrai poème.
Les femmes arrivent avec la liste de ce qu’elles ont commandées, comme des abeilles elles tournent autour du subrécargue. Il a tous les charmes, même celui de rédiger les chèques.
D’autres s’en vont vers les camelots qui font le voyage avec leur prore marchandise et vendent sur place.
Ils ont des commandes passées, des lots à fourguer, et tout ce qui peut tenter…
On voit malheureusement étalé entre l’église et le lagon tout ce qu’il y a de pire pour la santé : chips, coca, bonbons, mais aussi des filets de pêche, des chaussures, des parfums…
Puis chacun repart avec ses trésors, le coprah est chargé, l’horizon se vide…
Jusqu’à la prochaine goélette…
Sous l'eau , les Tuamotus c'est ce qu'on a vu de plus beau..Rien qu'en surface on se régale...