LA PINTADA
Il y a une petite auberge au village de San Francisco, style refuge de montagne, très bien tenue, financée par l’Espagne comme on peut le lire sur le mur de la grande salle ; nous y passons une nuit, déjà partis dans cet autre monde qu’est la Sierra …
Génial la randonnée avec des ânes qui portent tout ! … ou presque tout : ils nous laissent le poids des ans !
Nous partons donc, avec Ricardo notre guide sur la mule, deux ânes, et nous derrière. Nous aurions pu prendre des mules, mais vus les précipices qui nous attendent et vu qu’elles n’en font qu’à leur tête , tout comme les ânes d’ailleurs , nous n’entrons pas dans le débat et choisissons la marche à pied. Rapidement nous reprenons aux ânes l’eau et le sac photos, ça c’est le poids de la liberté.
Après une heure de marche sur le plateau, à 1100 mètres d’altitude, entre les chèvres et les cactus nous entamons la descente vers l’arroyo de San Pablo.
Le sentier est tout en S, à chaque courbe le panorama est plus beau…
Arrivés en bas nous laissons les affaires et les bêtes à l’emplacement de notre campement pour continuer dans le fond du canyon , en suivant le lit de la rivière pendant une heure et demie.
Il fait bien chaud !
Quand on commence à voir un filet d’eau c’est qu’on approche des grottes : la Cueva de las Flechas et la Cueva La Pintada …
Dans cette fournaise des entrailles du monde une petite source jaillit des rochers, limpide, timide, imperturbable, elle coule à longueur d’année confirme Ricardo .Nos ancêtres le savaient , qui il y a 7000 ans s’installaient là et prenaient le temps de raconter leur vie sur les plafonds des cavernes.
Sur 150 mètres de long une cavalcade d’animaux et personnages géants .Peints en rouge noir et jaune sur le plafond d’une caverne en aplomb au-dessus de cette petite source.
Un tel panorama devait inspirer la grandeur.
Pour qui pour quoi ? Le mystère de ces peintures reste entier. Art monumental qu’on appelle « El gran mural » et qu’on attribuait au peuple amérindien Guatchimi venu du Nord en leur donnant entre 2000 et 3000 ans d’âge. Ceci était vrai jusqu’en 2002, lorsque des études ont prouvé qu’elles remontaient à 7000 ans et plus. Le mystère continue !
D’autant plus qu’il y a des centaines de peintures rupestres à travers toute la Basse Californie ! Incroyablement conservées elles ont été inscrites au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1993.
Au XVIII° siècle les indiens Cochimis avaient bien révélé aux missionnaires l’existence de peintures faites par des géants qui auraient appartenu à un peuple ancien disparu…Peut-être disaient-ils cela parce que les peintures sont monumentales et haut perchées ?
Un ingénieur chimiste français , employé à la mine de Santa Rosalia, Léon Diguet fut le premier à explorer la Sierra en 1890 et à écrire sur ces peintures rupestres.
En 1962 on s’y intéresse à nouveau lorsque qu’un écrivain américain, Gardner, découvre la spectaculaire cave de La Pintada.
Toute la faune de la région est là : baleine, cerfs, coyotes, vautours, lièvres…Les hommes lèvent les bras : est-ce une danse ? un rite ? déjà le « haut les mains! » ??
Réalisées sur plusieurs époques, ces peintures préhistoriques montrent des techniques de dessin avancées, qui se perfectionnent avec le temps.
Superposition des sujets. Contours noir ou blanc. Dessin des sujets plus élaboré : cornes des cerfs.
On suppose que les artistes utilisaient des échaffaudages .
Comme aux Marquises on voit des trous dans la roche où on pilait et mélangeait les pigments ici d’origine minérale. On n’est pas loin du volcan Tres Virgines . Le noir provient de l’oxyde de manganèse, le blanc du gypse, le rouge et le jaune de l’oxyde de fer.
Retour vers notre campement à la fraîche.
Actuellement une famille vit sur l’ arroyo ( ruisseau) San Pablo , là où nous avons posé nos affaires. Ils élèvent des chèvres et cultivent des arbres fruitiers grâce à un système d’irrigation. Les deux fils nous apportent de l’eau et restent à bavarder avec Ricardo, dans un patois dur à comprendre. Du fond de notre tente nous entendons beaucoup de rires et d’histoires de mules. Puis le silence tombe au fond du canyon, la magie des lieux nous enveloppe tous.
Je n’ai même pas pensé à faire une photo de nous sous la tente pour mettre dans les annales familiales !
Au petit matin nous entamons bravement la remontée. On a encore la fraicheur de la nuit et une belle lumière.