De San Jose aux Midriff
La Mer de Cortes continue à nous enchanter. Nous remontons vers le Nord et les iles Midriff, avec chaque jour le sentiment de jeter l’ancre dans une galerie de tableaux où se rencontrent des pêcheurs, des cactus, quelques navigateurs et beaucoup d’animaux.
L’incroyable variété des paysages s’explique par la géologie des iles. Sans être spécialiste on retient que certaines iles sont nées d’un détachement du continent par les mouvements tectoniques ou une montée des eaux , d’autres sont nées d’éruptions volcaniques, d’où ces reliefs et couleurs dont le soleil se joue pour le régal des yeux…
Du Sud au Nord :
L’ile San Jose, avec de très beaux mouillages à l’Est, malheureusement même par calme plat la houle passe autour des pointes et nous fait rouler comme dans un tonneau.
Sur la côte un joli mouillage aux roches rose petit cochon, Los Gatos :
L’ile Carmen avec d’anciennes salines en partie transformées en relais de chasseurs, on y chasse le bouquetin en hiver:
Lumière dorée du petit matin, un rêve de pêcheur…
Seuls les jaillissements des raies troublent la surface de l’eau.
Puis le soleil monte, les couleurs changent, on aperçoit au loin des pangas qui passent.
Les pêcheurs sont itinérants, ils établissent leur campement dans une zone pour une ou plusieurs semaines, ne retournant à la côte que pour débarquer le poisson et refaire le plein de glace , eau et carburant.
Le contact avec eux est agréable. Quand on se trouve à proximité on va bavarder à leur retour.
Quand ils ont besoin de quelque chose ils n’hésitent pas à venir demander: du feu, de l’eau, du nescafé, de l’aspirine même pour un plongeur qui était resté un peu trop longtemps au fond. Quand ils offrent du poisson on répond « Merci, on en a déjà, on aime pêcher ! », alors ils nous indiquent les bons spots, nous donnent des appâts. Ils appâtent avec de la sardine vivante ou congelée, plus noble et plus efficace que nos beaux appâts en plastic. Que ce soit en sous-marine ou à la ligne la pêche est toujours fructueuse, du moins suffisamment pour nous,
car eux se plaignent, trouvent qu’il y a moins de poisson qu’avant. Trop de pêcheurs? Changement climatique? Il fait plus froid que la normale disent-ils. La rumeur dit que le gouvernement a vendu des droits de pêche à des bateaux chinois ou coréens. Le petit pêcheur sur sa panga se convertit à l’occasion en guide touristique, pour quelques pesos ou pour le plaisir il emmène les pêcheurs amateurs sur les lieux qu’il connaît.
Parfois il est accompagnateur sur des vedettes de charter pêche ; au vu du nombre de bateaux gros ou petits en charter pêche, en général immatriculés aux USA avec équipage mexicain, on peut penser que le business marche.
Cette cohabitation de la pêche artisanale avec le tourisme et la pêche sportive est un des axes de développement souhaités pour la Basse Californie.
Il y a les petits bateaux, les pangas, avec deux ou trois personnes, en général affiliés à un syndicat ou une coopérative, dont la pêche varie d’une semaine à l’autre selon la saison ou la demande. Tout le poisson est remonté à la main, aussitôt mis à la glace.
Il y a quelques ligneurs, bateaux un peu plus gros: ceux-là viennent de Mazatlan au Sud , ils posent des lignes de fond pour la « vacheta », un mérou des grandes profondeurs.
Mais il y a aussi les bandits, ceux qui viennent pêcher de nuit en sousmarine au narguilé. On entend leurs voix, le petit compresseur qui tourne. A quatre ou cinq en quelques heures ils font un massacre. Le lendemain matin la baie est en deuil. Les autres pêcheurs, les« puro anzuelo », «uniquement l‘hameçon », ne les aiment pas.
Ile Santa Catalina:
où l'on rencontre toutes sortes de cactus.
Le cactus cardon, le plus grand au monde, peut atteindre vingt mètres de haut:
Endémique de Basse Californie le cactus tonneau se limite à quatre mètres:
Fleurs de cactus : régal des insectes mais aussi des piverts, des lézards, des iguanes…
La Pitahaya dont les fruits rouges sont recherchés pour leur goût fin et leur richesse en vitamines.
A part quelques escales bien répertoriées dans les guides, comme Juanico, Aguaverde, Bahia Concepcion , Puerto Escondido, nous ne rencontrons pas beaucoup de bateaux de plaisance. Pourtant il y en a plein, les marinas sur la côte continentale en hébergent des milliers.
C’est que les anglo-saxons, américains et canadiens, ne voyagent pas comme nous. Pour nous, éternels puceaux des océans, toujours à la recherche de l’ile vierge, quand il y a deux bateaux au mouillage c’est déjà trop et on se dit , qu’il faut aller ailleurs… Pour trouver « un lieu où d’être un homme de mer on ait la liberté” ?
Les américains c’est tout le contraire, ils aiment avant tout être ensemble , naviguer en groupe, se retrouver dans le même mouillage, squatter joyeusement le même ponton, dans une ambiance campus junior collège.
Pour organiser cette vie sociale il y a le rendez vous sur le net à 7h30, le morning-coffee et le happy-hour qui commence par quelques verres autour d’un ponton et se termine à quinze dans le plus mauvais resto de la ville.
On nous pardonne de ne pas suivre le groupe, du moins j’espère, et en tant qu’étrangers nous faisons des rencontres tout à fait sympas à «Gringoland ».
Beaucoup de ces bateaux vont ou viennent de San Carlos et Guaymas, grande zone de gardiennage et stockage située à l’Est, sur la côte continentale de la Mer de Cortez. Une autoroute rejoint la frontière US de l’Arizona. San Carlos est à 70 miles de Santa Rosalia.
Nous continuons vers le Nord, vers l’ile Angel de La Guardia
Iles blanches couvertes de guano. Au XIX° siècle les fientes d’oiseaux qu’on appelle le guano étaient une denrée recherchée pour l’industrie et l’agriculture. L’abandon de cette activité a permis aux iles de retrouver leur rôle important dans le cycle des oiseaux migrateurs.
L’ile Rasa où, d’après les biologistes, nichent un demi-million d’oiseaux, goélands de Heerman et sternes élégantes.
Ile Partida Norte, tout en basalte et boulders, ici rien ne pousse.
Mouillage ouvert au Nord, nous en partirons aux premières lueurs du jour, chassés par vingt cinq nœuds de Nord pas prévus. D’une manière générale les vents sont bien annoncés, du Nord en hiver, du Sud en été ; mais localement, à cause du relief, de la température de l’air et de l’eau, ces prévisions sont souvent démenties.
L’ile Angel de La Guardia, avec des sommets à 1200 mètres, un patchwork de roches colorées suspendu entre le ciel et la mer tel un tableau. Pierres volcaniques et grés violets, verts, gris, tuffs rouges, roses, ocres, rouille : un millefeuille pour le géologue.
Baie de Puerto Refugio, abri total .
Dans ce monde minéral seuls poussent le cactus cardon, et le « torote »,l'arbre éléphant dont les branches ressemblent à des trompes.
Nous sommes dans le domaine des otaries et des oiseaux. Les pélicans en escadrille font la navette enre la baie où ils pêchent et l'îlot où ils nichent.On est en période de nidification pour les goélands à pattes jaunes , dits goélands de Californie, pour les huitriers pie.
Cela veut dire qu'il y a des millions de moucherons. Quand on en a marre de se donner des baffes on grimpe sur un sommet. Le soir ils se calment.
L’eau est fraîche, 13° on ne se baigne pas, dommage!
Des pêcheurs, venus se mettre à l'abri d'un tardif coup de vent du Nord, disent que c’est inhabituel.
Angel de la Guardia sera notre point le plus Nord. Fin Mai nous repartons vers LaPaz, en découvrant de nouvelles escales. Les vents sont en général Sud Est dans la journée, Ouest la nuit .
El Pescador, au mouillage devant une belle plage sur lequel se construit un hôtel à connotation écologique. Ecologie et luxe dans un endroit sauvage où l’on n’accède que par bateau …ou hydravion, nous explique le chef de chantier. Les matériaux utilisés sont théoriquement pris sur place, en réalité ils viennent de la côte du Sinaloa: sable, galets, palmiers ...L’artiste chargé de la déco nous fait visiter les lieux.
Bahia Concepcion .
Bordée par la grande route qui traverse toute la Péninsule cette grande baie parsemée d’ilots est le rendez-vous des camping-cars, caravanes, bateaux sur remorques, mais aussi des voiliers et des jolies villas. Cela fait du monde mais le lieu garde son charme. On y pêche des nacres et des palourdes dans un mètre d’eau.
Aguaverde, une communauté de pêcheurs sympas et de quoi ravitailler en légumes.
Candelero :
Dans ce joli mouillage sur la côte au Sud de Loreto nous passons quelques jours, à la recherche du cardinal, un oiseau au plumage rouge vif qui chante comme un rossignol.
On entend ses trilles sonores dans le vallon épineux, surtout le soir, mais il se cache bien.
Avec un rouge pareil c’est difficile, nous finissons par l’apercevoir, avec toute la famille.
Les Méxicains adorent le cardinal. Pour vingt dollars ils s’en offrent qu’ils gardent en cage sur une fenêtre. Chaque cardinal ayant son chant propre le plaisir est infini.
La rencontre avec la faune est un des plaisirs qu’offre la Mer de Cortez. A terre ou sur l’eau il y a toujours de la vie ...