BIODIVERSITE

Publié le par Kauana blog

Souvent appelées les «  Galapagos de l’hémisphère Nord»,  les îles de Mer de Cortez pourraient n’être qu’une succession de cartes postales s’il n’y avait l’exubérance et la diversité de la faune. Que ce soit à terre, sur l’eau ou sous l’eau il y a toujours du monde à voir. Sous le statut de Réserve de la Biosphère depuis 1970 , auquel s’ajoutent localement des statuts de Parc Maritime National, Sanctuaire d’oiseaux, Aires protégées etc…c’est mieux qu’aux Galapagos car la population humaine n’est pas exclue, elle peut y vivre, avec des activités de pêche ou chasse raisonnables.

Les biologistes n’ont pas fini de répertorier toutes les espèces endémiques qui s’y trouvent ni d’expliquer comment elles ont traversé des siècles d’éruptions volcaniques, isolement et sécheresse. Voilà ce que j’ai retenu de mes lectures:

Trois  éléments naturels contribuent à la biodiversité et au taux d’endémisme élevé qui caractérisent la côte et les iles de Mer de Cortez.

La création de cette mer par l’effondrement de la faille Andréas a provoqué un isolement et un besoin d’adaptation propices au développement des espèces endémiques. Le courant de Californie en se déplaçant vers l’équateur déplace des masses d’eaux qui provoquent des remontées d’eau froide au Sud de la Péninsule.

Ajoutés aux courants de marées ces brassages  sont propices au développement de la vie marine, elle même indispensable à l'ensemble de la faune. Le phénomène El Niño vient régulièrement perturber ce système en  laissant des masses d’eau chaude sur la côte Pacifique, il y a donc moins d’eau froide et moins de brassage, donc moins de plancton et moins de poissons. Par contre cela produit une forte évaporation suivie de précipitations qui, même si elles n’arrivent qu’une fois tous les trois ou cinq ans, permettent la vie dans le désert.

Nous ne sommes pas dans une année El Niño, l’eau est très riche, il y a des milliers d’oiseaux, de poissons et beaucoup de baleines.

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Tout d’abord les oiseaux. Pélicans, sternes, fous, pétrels, goélands, frégates, hérons, aigrettes, balbuzards… c’est un ballet ininterrompu.

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Les chiffres sont impressionnants …On considère que 500 000  sternes élégantes et  goélands de Heerman viennent de toute la côte Pacifique pour nicher en Mer de Cortez, que 50% de la population mondiale de fous à pattes bleues vivent dans les îles Midriff.

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Quand on débarque sur une île où nichent les goélands dits de Californie ce sont les images d’Hitchock qui  viennent en tête.Théoriquement on ne devrait pas le faire en période de nidification, mais quand on voit l’agressivité entre eux et envers les  petits on se permet d’aller faire quelques photos…Des œufs aux poussins on a tous les stades de croissance.

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Jusqu’à il y a une vingtaine d’années le ramassage des œufs se pratiquait, au point de mettre en péril certaines espèces.

 Beaucoup plus calmes que les goélands sont ces petits oiseaux plongeurs dont j’ignore le nom. Ils ont les yeux rouges. On les aperçoit en mer de très loin, en groupes si importants qu’on croit voir une baleine. D’un seul coup ils plongent et  disparaissent tous ensemble, comme une lumière qui s’éteind, puis ils réapparaissent, les uns très vite après les autres.

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Le pélican brun est omniprésent. Il a perdu sa superbe gorge rouge du temps des amours, mais il est très affairé auprès des petits.

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C’est l’occasion de vérifier le mythe du bon père  associé depuis l’antiquité à cet oiseau qui laisse ses petits avec leur long bec fourrager au fond de son gosier. Durant les premières semaines de leur vie les petits pélicans s’y nourrissent d’une  bouillie prédigérée par le parent, puis quand ils commencent à avoir du duvet ils trouvent directement le poisson qui peut atteindre plusieurs centaines de grammes.

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Ce comportement étonnant a inspiré un poème à Musset dans lequel on entend le cri de  douleur du père rentré bredouille, dominé par la joie des petits qui festoient avec son cœur ensanglanté. En réalité ce n’est pas son cœur qu’il offre , ce sont les entrailles rouges du poisson qu’il a pêché.

De plus ce n’est pas forcément le père, cela peut être la mère.

Cet oiseau préhistorique, un des plus anciens existant tel quel sur la terre, il est là depuis le début de l’ère tertiaire, est en fait très moderne : les parents couvent et nourrissent à tour de rôle. Au bout d’un mois, dés que le petit commence à avoir du duvet, les deux parents partent ensemble en quête de nourriture, exclusivement du poisson, laissant leurs oisillons sous la surveillance d’un adulte de la communauté dédié à ce rôle.

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Quand les nids sont rapprochés on dirait une crèche , sinon, quand ils sont dans les arbres on voit toujours un adulte pas loin qui surveille plusieurs nids. Quand un parent revient de la pêche tous les petits alentour réclament dans un vacarme terrible, mais chaque parent reconnait et nourrit le sien.

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On dit que les pélicans peu belliqueux ont besoin d’endroits calmes pour nidifier et que la moindre intrusion humaine fera déménager la colonie. Nous avons vu cela sur l’île Angel de La Guardia, un vrai village de nids abandonnés...mais aussi curieux que cela paraisse là où nous avons vu le plus de nids en activité c’est sur un îlot dans Bahia Concepcion, où les pêcheurs mexicains emmènent chaque jour des touristes se baigner...ça ne durera peut-être pas.

 Dans Bahia Concepcion nous voyons un autre animal étrange: le requin baleine.

 

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C'est le plus grand poisson du monde : quinze mètres de long à l’âge adulte, celui là fait quatre ou cinq mètres; c’est un juvénile en quête de nourriture: plancton, œufs de poisson ….

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Tranquille et presque souriant, tous les matins il évolue le long de la plage où sont installés des campeurs, pas farouche du tout. A La Paz c’est la grande attraction touristique d’Octobre à Février, c’était étonnant d’en rencontrer dans Bahia Concepcion au mois d’Avril.

La visibilité est telle que malgré sa bonne volonté je n’ai jamais réussi à le photographier en entier!

Est-ce la saison qui le veut, ou faut-il attendre une année Niño ? ou est-ce la Polynésie qui nous a trop gâtés ? L’eau n’est pas claire, elle est même souvent opaque, très chargée en micro-organismes. C’est qu’il y a du monde à nourrir ! La densité et la diversité des poissons compense le manque de clarté. J’ai quand même fait quelques photos en snorkeling.

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Cousteau qualifiait   la Mer de Cortés de «  plus grand aquarium du monde ». Une ile porte son nom et sa statue sur le Malecon ( la croisette de LaPaz) nous rappelle son action au service de la planète. La fondation Cousteau a créé un Observatoire des Mers au sein du CIBNOR, le grand centre de recherches scientifiques de LaPaz, dont le but est de collecter toutes les données concernant l’impact de l’activité humaine et du changement climatique sur les côtes mexicaines…

Dans la Mer de Cortés on trouve trente six espèces de mammifères marins, cinq espèces de tortues marines, neuf cent espèces de poissons…

La grande affaire c’est la sardine, qui attire et nourrit tout le monde : 

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Dauphins  communs ou grands dauphins, en bancs immenses, nous escortent un moment, en plongeant et sautant, puis  retournent à la sardine, le spectacle est toujours très beau.

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Celui-là faisait des bonds à quelques mètres de nous au mouillage :

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La nuit on les entend autour du bateau, on peut voir leur sillage dans l’eau phosphorescente. Parfois on entend aussi le souffle d’une baleine et on devine un saut dans l’obscurité.

Il y a beaucoup de baleines. En trois heures de navigation entre l’ile Espiritu et l’ile San Francisco, près de LaPaz, nous en avons croisé une quinzaine: pas les plus intéressantes, des rorquals communs, un dos qui luit au soleil, un léger souffle, une amorce de queue qui disparaît très vite.

Les baleines joubartes, elles, sont plus spectaculaires :

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La baleine bleue, ou rorqual bleu, est plus rare mais impressionnante. Deux fois la taille du bateau, c’est le plus gros animal du monde et le plus discret Quand  elle apparaît c’est toujours avec beaucoup de grâce. Sur l’horizon on aperçoit tout juste un dos telle une ile qui surgit dans un souffle puissant, déploie son long dos bleuté et disparaît sans agitation.

Poids total entre cent et cent quatre vingt dix tonnes, si tant est que cet animal puisse être pesé. Son coeur est gros comme une voiture et sa langue pèse le poids d'un éléphant. Elle peut ingurgiter quatre vingt dix tonnes d'eau et nourriture, composée de krill, un minuscule crustacé ( c'est drôle, le plus petit animal au monde nourrit le plus gros! ), mais aussi de calmars et ici de sardines.Elle séjourne en Mer de Cortés d'Avril à Juin, puis elle retourne dans le Nord.

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Pour conclure je vous livre ce texte, extrait  de l’Opéra du Pauvre écrit par Léo Ferré. Merci à l’internaute qui l’a publié.

C’est le procés de la Nuit. Elle est accusée de faire disparaître l’Ombre. Des témoins l’ont vue. Son avocat est le hibou. Voici le témoignage de la baleine bleue :

 « Chez moi, il fait toujours Nuit dans nos âmes...

J'étais d'un grand pays sous-marin et bleuté

Bleu comme la Nuit quand elle est bleue

Le bleu ne m'arrivait que par la voix des Hommes

Moi j'étais comme il faut le temps de me laver

De manger, de parler à mes copains

L'important est de ne pas s'imaginer être trop grosse. Ce sont les Hommes qui ont peur de moi, et ils ont tort. Nous nous parlons de loin avec tous les copains. Mon chant vient de là-bas où se tiennent les franges du temps qui passe et que vous mesurez, vous autres, avec des méridiens. Je suis un cétacé. Et vous? Des chasseurs nucléaires, aujourd'hui? Depuis les Basques de ce siècle quatorze...

Je pars vers le Sud avec mon amant trouvé dans le Grand-Nord... et puis là-bas, nous nous aimons. On se nourrit au lard... de baleine! On mincit tout l'été et on baise... oui, comme vous... avec en plus, cette illusion que nous avons de l'aventure sous-marine et des chants dont nous nous émerveillons. Nous entendons de loin, de très loin. Nous nous parlons. Nous nous aimons encore. Et puis, à l'automne, nous nous quittons. Et dans les algues inventées, nous chantons la bruyère avec Apollinaire:

…Odeur du temps brin de bruyère

Et souviens-toi que je t'attends"...

Le procés s'achève au lever du jour par un non-lieu.

Publié dans MEXIQUE

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