Les Maldives

Publié le 24 avril 2025 par Helene

En quittant le port de Galle nous nous arrêtons dans un mouillage pour nettoyer la coque : une horrible épaisseur de berniques la couvre, à croire qu'on était dans un élevage! Deux heures dans l'eau, le temps pour un orage de monter! pas prévu à la météo celui-là , on se dit qu'il va rester à terre...mais non, il va nous chahuter pendant 24 heures …

Le reste de la traversée se passe bien, nous arrivons de nuit à Ulligan , au Nord de l’archipel, les douanes viennent tout de suite à bord, accompagnées par notre agent Assadulah ( l’agent est obligatoire) qui nous explique qu’en période de Ramadan ils aiment autant venir le soir entre deux prières, et se reposer pendant la journée...On nous remet la liste des restrictions et un tracker, toutes les iles n’étant pas libres d’accés...

Les Maldives, on les connaît comme l’image du paradis tropical, des iles-hôtels privées, exclusivement réservées au tourisme de luxe, des bateaux de croisière-plongée dans les plus beaux sites du monde , des plages de sable blanc, une eau turquoise parsemée de poissons multicolores.

C’est vrai, le cliché est là.

Mais ce qui nous intéresse toujours c’est la vraie vie, comment les gens vivent en dehors de ces bulles paradisiaques.

Premier pas à terre, dans Ulligan :

Rue déserte en milieu de journée en période de Ramadan. Pays à 99 % musulman,l'islam sunnite est religion d’état, l'application de la charia est très stricte.

Vieux murs en corail alternent avec murs en béton. La couleur pour égayer l’ensemble :

Le port du voile est obligatoire mais pas celui du casque !

L’ile n’est pas large, on est très vite de l’autre côté.

On gagne du terrain sur la mer partout où on peut . Les travaux d’agrandissement du port sont l’attraction du village :

Il faut faire le plein de gas oil, ça peut être utile dans cette zone équatoriale sans vent!

Ulligan est un peu triste, surtout en période de Ramadan, nous allons vers un autre atoll .

Bien à plat pour refaire l’installation du guindeau auquel il manquait tout simplement une pièce, que le fabricant, Muir, nous a envoyé à ses frais, sans sourciller, aux Maldives. Il y a pire décor pour un chantier !

Filhadoo, village très accueillant

Je demande : « Pourquoi Alaska au-dessus de la porte ? - « Un rêve ! »

Les Maldives sont constituées de 26 grands atolls , éparpillés sur 800 km du Nord au Sud et 130 kms d’Est en Ouest. Altitude maximum de l’archipel 1m80 ! Le mot atoll est d’origine maldivienne : atolu veut dire « anneau de corail » … Ces grands atolls sont remplis de dizaines de petits atolls, les «faros ». Mais, à la différence des atolls du Pacifique que nous connaissons, ici la partie immergée de l’anneau de corail est beaucoup plus importante que la partie émergée, cela fait qu’on a une multitude de petites iles voire des ilots, très bas et éparpillés sur d’immenses anneaux d’eau turquoise. D’où ces palettes de couleurs entre ciel et mer, ce sentiment de toiles suspendues dans l’immensité, flottant au milieu de nulle part, prêtes à disparaître comme un mirage. D’où la beauté des fonds coralliens foisonnants de poissons tropicaux…

Pour les navigateurs cela se traduit par peu de mouillages abrités. On est sur l’équateur, il y a peu de vent mais des orages violents..

Nolivaran Faru , une autre ile accueillante, une guest-house dédiée à la plongée y est tenue par des italiens.

Pas de voitures, des motos à moteur électrique , une école, un hopital ou dispensaire dans chaque ile, des rues tirées au carré, propres, des magasins petits mais climatisés et à peu près approvisionnés….Le niveau de vie semble confortable, en tous cas par rapport à ce qu’on a pu voir dans beaucoup d’iles du Pacifique…Une partie de l’ile, ou un ilot à côté, est réservé à l’agriculture , chacun peut cultiver son bout de champ.

Belles balades sous marines :

A Thulhaadhoo, village très accueillant aussi , nous sommes invités dans une famille que nos amis Sheryl et Hessu , sur un voilier avec lequel nous nous retrouvons souvent , avaient rencontrée la veille. « Venez diner chez nous, c’est Ramadan, le soir on fait un bon repas... » On nous fait goûter plein de spécialités maldiviennes ... à base de coco, poisson, le thon, et curry. Nos hôtes ont veillé à ne pas faire trop épicé !

Derrière ces murs et ces voiles il y a tant de gentillesse et de douceur. Toute la famille cohabite . On nous emmène saluer la grand-mère qui a fait un AVC et qu’il faut aider à manger...

La jeune femme nous explique beaucoup de choses sur le fonctionnement des iles, très autonomes par rapport au gouvernement central. Elle nous rappelle l’histoire des Maldives : longtemps boudhistes du fait d’ une première occupation par les pêcheurs indiens, les Maldiviens ont été convertis à l’islam par les marchands arabes venus d’Arabie ou du Golfe du Bengale à partir du XI° siècle. Les Portugais, puis les hollandais, puis les Anglais à partir de Ceylan ont colonisé les iles, qui ont finalement obtenu leur indépendance en 1965.

Le lendemain nous sommes invités d’honneur au match de foot . Gazon en plastique. Mais quelle énergie ! Il est 16h, il fait 35°, les joueurs n’ont rien mangé depuis le lever du soleil, ramadan oblige, ils auront droit à un peu d’eau à la fin du match !

Il y a deux sources de revenu aux Maldives, le tourisme et la pêche. A Thulhaadhoo le tourisme est plus discret que la pêche. Pêche au thon essentiellement. Ici des petits bateaux débarquent de la bonite qui sera en partie fumée puis séchée .

Du thon, rien que du thon, pêché à la ligne, le filet étant interdit . Le maldivien mange du thon à tous les repas ! Il existe même une confiture de thon : le mas huni , à base de thon, noix de coco et citron vert, dont on garnit une fine crêpe, le roshi.

Ailleurs on a vu de plus gros bateaux, très modernes avec frigos et air climatisé à bord. Leur pêche est achetée par une compagnie d’état.Les conserves de thon des Maldives sont réputées.

Adieux à nos sympathiques hôtes de Thulhaadhoo :

Dans une autre ile nous assisterons à une scène touchante ; dans la rue un homme nous interpelle, la conversation démarre , comme il n’est pas à l’aise avec l’anglais il appelle une jeune fille ...Celle ci nous propose un tour du village ..Mais il faut l’autorisation de sa mère . La maman arrive , ok mais le grand frère doit l’accompagner ...Le grand frère n’a pas l’air très motivé. Avec beaucoup de cajoleries, bisous, sourires et fermeté, la maman obtient que le grand frère nous accompagne ! Nous passerons deux heures ensemble ...pourtant il n’ y a que deux rues dans le village !

Partout je me régale en balades sous-marines :

La raie, enfouie dans le sable , est trahie par son œil curieux .

A Fehendhoo, balade sous la pluie.

Après nous avoir offert un abri sous sa veranda un jeune homme nous fait faire un tour du village. Beaucoup de maisons en construction, quelques unes à étages.Notre guide nous montre celle qu’il est en train de construire pour la louer : belle salle de bains, cuisine Ikea, Home TV etc...

Il nous explique que depuis 2010 le gouvernement a autorisé l’accueil des étrangers dans les iles habitées et le travail des maldiviens dans les iles-hotels qu’on appelle les « resorts ». Jusque là il y avait deux mondes séparés, de façon totalement étanche, celui des resorts réservés aux étrangers, avec alcool, cigarettes , maillot de bains, spa etc … et celui des iles habitées par les maldiviens, musulmans soumis à la charia. Les étrangers n’allaient que dans les resorts, les maldiviens n’avaient pas le droit d’y travailler, on faisait venir de la main d’oeuvre de Bengladesh ou Sri Lanka.

Les choses ont changé : formés au contact avec les étrangers dans les resorts les maldiviens ont demandé à développer leurs propres structures d’accueil. Petit à petit on a vu fleurir dans les iles habitées des guest-houses , Airbnb, Book.com etc...

Choc des cultures, cohabitation...le paradoxe des Maldives se gère différemment suivant chaque ile.

Toutes sortes d’attractions touristiques se développent , qui font vivre les villages, avec plus ou moins de conscience écologique :

Visite d’un élevage de tortues, une échappée vient à bord :

Nourrir les raies, les requins nourrice...A peine jetée l’ancre ils accourent par dizaines ! Je n'avais plus d’appareil photo pour immortaliser ce bain de foule, dommage!

Jetski, voiture amphibie:

La sieste sur les sièges locaux :

Accueillir les étrangers sur des bateaux-bars, l’alcool étant interdit à terre. …ou simplement les emmener sur les sites de plongée et snorkeling qui ne manquent pas.

Là les maldiviens perçoivent les méfaits de la construction à outrance. Pas tant leurs villas destinés à du Airbnb que les resorts qui continuent à se multiplier . Pour 200 iles habitées et 150 iles-hotel , ce qui représente 500 000 habitants et 1 million 300 000 touristes par an , le pays dispose de 300 Km2 habitables. Une des plus fortes densité au monde : 1720 habitants au Km2 ….Autour de Malé la capitale, la crise du logement se résoud par la construction d’iles totalement artificielles . Pour le gouvernement la location des iles-hotels est une rente, sur un bout de récif émergeant on apporte quelques tonnes de sable prélevées un peu plus loin et cela constitue une nouvelle ile à louer ! Mais d’où vient le sable pour ces constructions ? De l’intérieur des lagons...à l’extérieur c’est trop profond. On voit partout des travaux gigantesques pour des constructions nouvelles alors que les resorts existant ne tournent pas à 100 % de leur capacité et qu’il y en a un bon nombre en ruines. Le gouvernement justifie ces grands travaux en disant qu'il faut surélever et protéger les iles existantes mais les arbitrages ne sont pas du goût de tout le monde...On prend le sable chez l'un pour le mettre chez l'autre ! Les maldiviens disent que l’eau est tellement remuée que le sable étouffe le corail . C’est vrai que l’eau n’est pas claire partout et le corail bien mort .

Extension d’un resort , charme des bungalows sur pilotis :

Ici on n'arrive pas en stop!

Resort abandonné:

Ici les travaux semblent amuser les dauphins !

Il y en a plein dans le lagon ...mais l’eau n’est pas très claire .

Le transport du sable représente une bonne partie des mouvements de bateaux . D’énormes barges pompent du sable, pour le mettre un peu plus loin ou l’expédier sur d’autre iles.

Des bateaux plus petits aussi font cela pour garnir les plages que la montée des eaux met à mal.

Quand on voit tous ces transferts de sable pour autant de constructions au ras de l’eau on se demande si la montée des eaux est une préoccupation prioritaire ….On pourrait héberger les touristes dans des paquebots, au moins ça ferait des arches de Noé !

Nous arrivons à Addu , le dernier atoll au Sud des Maldives . Grand atoll..Des voitures ! On n’en a pas vu beaucoup aux Maldives !

Nous nous préparons pour notre prochaine destination , les Chagos, à 300 miles ce qui n’est pas très loin...mais demande un bon approvisionnement car il n’y a strictement rien, ces iles sont inhabitées , à part la base américaine Diego Garcia qu’il nous est formellement interdit d’approcher...