Kodiak 2012
Album photos KODIAK 2012.......
Album photos OISEAUX DE MER......
12 Juillet 2012
Finalement nous n'irons pas dans les baies du Sud. Un matin bien humide nous quittons le port de Kodiak pour la Péninsule de Katmai.
Au ponton à fuel nous voyons arriver nos amis du voilier Kotik, Oleg et Sophie, connus en Patagonie en 2000.
Ils arrivent, nous partons, nous nous promettons de nous retrouver en Novembre au Mexique.
Entre le Nord de l’ile de Kodiak et l’ile d’Afognak, pour aller vers la côte de Katmai, on emprunte le Whale passage, un large canal bordé de baies profondes. Bateaux de pêche et anciennes «canneries» (conserveries ) abandonnées, paysages grandioses, wildlife , quelques habitations, «cabins» de pêcheurs et lodges pour le tourisme chasse-pêche.
Ici on pratique la pêche aux filets fixes. Le pêcheur est propriétaire d’un emplacement sur la côte, plus précisément du droit de poser son filet à un endroit précis aux jours de pêche autorisés. Du coup il y une vie à terre qui s’organise, même si elle n’est que saisonnière, des maisons, des pontons. Cette pêche est considérée comme très lucrative.
Quelques jours dans la baie d'Uganik avec des rencontres sympas ….
Jayson et Christie passent plusieurs mois par an dans cette baie où Jayson a grandi. Village island, un port naturel au milieu des ours, des aigles, des loutres, des mouettes, des huitriers et des macareux…
Jayson vient nous rendre visite, un ours traverse le mouillage:
Il y a un siècle les grand-parents de Jayson avaient construit un barrage en altitude pour alimenter une petite centrale hydroélectrique, elle fonctionne toujours.
Jayson est pilote, son père était pilote.
L’aviation a joué un grand rôle dans le développement de l’Alaska: sur ce territoire immense, au relief et climat tourmentés, des gens vivaient dans des coins très isolés: chercheurs d’or, trappeurs, chasseurs, bûcherons et les familles qu’ils laissaient parfois derrière eux. Seul l’avion, même si c’était rare, les rattachait au monde; d’autres possédaient des “lodges”, ou chalets de montagne et venaient chasser pêcher dans des coins reculés où seul l’avion pouvait les emmener. Puis, pendant la guerre, réquisitionnés pour la défense de la patrie ces pilotes qui n’avaient pas froid aux yeux, (c’est le cas de le dire, on voit encore à Kodiak quelques vieux coucous à cockpit ouvert) sont souvent devenus des héros: que ce soit dans des missions de reconnaissance dans les Aléoutiennes entre brouillard et tempêtes ou dans le Nord de l’Alaska pour créer un pont aérien qui permettrait d’acheminer soldats et matériel de la Russie vers l’Europe, ces petits avions chaussaient des pneus, des skis, ou des flotteurs, selon le terrain d’atterrissage prévu, et partaient à l’aventure dans l’immensité du grand Nord.
Quand nous sommes à Uganik bay la pêche est fermée pour quelques jours. Par contre, en tant que particulier, Jayson a le droit de poser un filet dit de “subsistance”, terme qui rappelle le mode de vie des indiens et qui désigne maintenant une activité non professionnelle destinée à fournir à chacun de quoi subvenir à ses besoins annuels en poisson, viande, légumes etc., par opposition à une activité professionnelle génératrice de flux monétaires. Le filet de “self subsistance “ lui procure quand même une cinquantaine de saumons sockeyes en deux jours …qu’il s’empresse de mettre au fumoir avec l’aide de quelques copains venus d’autres régions des Etats Unis.
Jayson et Christie nous invitent gentiment à diner; dans la soirée la conversation vient sur les armes à feu, sur la difficulté qu’il y a à se procurer des armes en Californie alors que dans les autres états on achète librement tout ce qu’on veut. Chacun sort son pistolet et d'autres pétoirs, et encore d'autres, devant nos regards ébahis. Nous ne sommes pas habitués à ce genre de boutique! On a bien le sentiment que ce n’est pas que pour se protéger de l’ours qu’en Alaska chacun se promène avec une arme, c’est quelque chose de plus profondément ancré dans le coeur américain, quelque chose qui nous révulse.
Autre baie autre rencontre sympathique: Jenny.
Depuis 31 ans Jenny vit dans cette baie. Elle a racheté et transformé une maison de pêcheurs nichée dans une petite crique bien abritée.
En dépit des hivers rigoureux, de la solitude, au pied d’une montagne que se partagent les aigles et les ours, elle a créé un havre de paix, sweet home, sourire et jardin fleuri. Graines de légumes, clés à mollette, fusil, canne à pêche, livres, photos des amis, souvenirs..le poêle, le chat, le chien-chasseur-d’ours…et l’émotion de nous voir partir.
Histoires de la baie, de l’ancienne “saltery” (conserverie au sel ), de tempêtes, d’ours et chasseurs d’ours. On vient du monde entier pour chasser l'ours Kodiak. Après l’ours polaire c’est le plus gros ours qui existe. Des guides patentés, ayant une licence pour tant d’ours par an, passent leurs journées jumelles au cou à scruter les plages ou les pentes herbeuses pour choisir quel « nine feet » ils vont proposer à leur client qui a payé 20 000 dollars pour avoir le privilège de ramener un tel trophée. Le grizzly qui est resté trop longtemps assis sur la glace ou celui qui s’est gratté le dos sur les arbres a plus de chances d’échapper aux chasseurs que celui qui n’a pas abîmé son pelage. La demande pour les gros grizzly, les nine feet, a curieusement entrainé l’augmentation de la population d’ours sur l’ile. En effet le plus grand prédateur de l’ours c’est l’ours: les gros mâles adultes, qui mesurent 3 mètres de haut et pèsent plus de 700 kgs, attaquent les jeunes ours ou les mères avec leurs petits. C’est ainsi que le mauvais caractère légendaire de l’ours assure une certaine régulation de la population! Si on élimine ces gros mâles les jeunes sont moins menacés… mais ils sont aussi plus voyous et viennent volontiers autour des habitations humaines en cassant tout pour trouver de la nourriture. Jenny voit son potager régulièrement défoncé pour quelques fraises et elle se réjouit que jusqu’à présent aucun ours n’ait eu l’idée de forcer la porte de sa maison. Dés l’instant où “il “comprendra qu’il peut, là il y aura des problèmes.
Mais Jenny n’a pas peur, son chien à ours est assez dissuasif pour lui assurer des bonnes nuits, le fusil est chargé… et les souris qui ont découvert son cellier la préoccupent davantage.
La fierté de Jenny c’est son autosuffisance. Elle a l’eau de la rivière, les poissons de la baie, les daims de la montagne, et du bois à volonté. Tout pousse dans son potager: l’éruption du volcan dans le Katmai, en 1912, qui avait déposé 70 centimètres de cendre sur tout Kodiak, plus des années d’amendement organique du sol, ont fait de cette baie une mine de terreau. Son cellier est garni de conserves de fruits, légumes, viande de daim, poisson, de quoi survivre aux mauvaises saisons.Tout ou presque chez Jenny est fait de récupération; entre ce qu’elle glane sur les plages et ce qu’elle a trouvé dans la vieille cannery de la baie avant qu’elle ne s’effondre elle a pu ainsi construire un hangar avec serre, un petit chalet à côté de sa maison, un sauna avec bain extérieur, le "bana" traditionnel d’Alaska.
Comme chez Nick et Jana que nous avions rencontrés en Colombie Britannique, la nécessité semble faire loi mais c’est la passion de la vie qui l’embellit, telles les poignées de porte faites avec des bois ramassés sur la grève. Cet hiver pour la première fois depuis des années Jenny a quitté la baie pendant deux mois; le vent soufflait sans arrêt à 70 ou 80 noeuds, elle ne pouvait ni chasser ni pêcher ni jardiner, son boy friend pilote a profité d’une accalmie pour la ramener en ville puis elle l’a accompagné dans ses virées du grand Nord où il travaille avec son bi-plan à cockpit ouvert…
Il y a des loutres partout. Quand elles ne plongent pas elles dorment, calées dans le kelp.
Absolument craquantes! Nous nous régalons de leur compagnie mais tout le monde ne les apprécie pas autant. Un article lu dans le journal local fait état d’une étude menée au niveau gouvernemental pour mesurer leur impact sur l’activité des pêcheurs. En effet après des années de chasse pour leur fourrure qui avaient abouti à une quasi disparition de la loutre sur les côtes d’Alaska, l’animal protégé a pu à nouveau proliférer. A tel point que maintenant les loutres sont en concurrence sérieuse avec les pêcheurs de crabes et coquillages. Nous ne posons même plus notre casier à crabes, finis les délicieux repas au dungeness, là où il y des loutres on ne prend rien!
Quelques photos ajoutées sur l’album LOUTRES
Heureusement pour notre survie il reste la pêche et Rémi continue à nous nourrir en halibut, lincod et morue. Il s’est même mis à la pêche au saumon en rivière. En voici quelques images, dans des décors somptueux.
Rémi qui lance sa ligne dans la rivière où les saumons sautent et moi qui surveille ce qui se cache dans les grandes herbes, tous les deux prêts à remonter vite dans l’annexe, en espérant que le courant ne nous emmène pas juste là où l’ours a décidé de traverser à la nage.
Des baleines, énormes:
Rémi les identifie comme des baleines bleues, les plus grands animaux du monde: 25mètres, 100 tonnes, un coeur gros comme une voiture, 200 mètres d'intestin… Comme dans la chanson , cherchent-elles de l'eau? Nous les croisons plusieurs fois à l’entrée de la baie Uganik. Nous avions vu en Mer de Béring des rorqual communs, un peu plus petits, 15 à 20 mètres, reconnaissables à leur lèvre inférieure droite blanche. Ces baleines là sont plus grosses encore, le dessous des lèvres est jaune moutarde, la protection de l’évent est proéminente, elles plongent très longtemps et sortent un jet puissant qu’on aperçoit à plusieurs miles. Des spécialistes pourraient nous confirmer s’il s’agit bien de baleines bleues.
Entre 20 et 25 mètres, à l’oeil nu, ça reste impressionnant!
Plein d’oiseaux:
Les macareux huppés, très colorés, qui nichent dans des terriers au sommet des falaises:
Des huitriers pie qui squattent une cannery désaffectée.
Des guillemots:
Des guillemots de Troil :
Des sternes arctiques:
Quelques photos ajoutées sur l’album OISEAUX DE MER
Un jour sans vent, mer d’huile, les marsouins de Dall qu'on voit souvent autour du bateau se laissent photographier:
L’ours aussi est omniprésent.
Une mère qui longe la grève à la nuit tombée avec ses trois petits:
Une autre avec des oursons un peu plus grands:
Pas encore très actif sur le saumon mi-Juillet nous verrons le grizzly à l’oeuvre sur l’ile d’Afognak en quittant Kodiak.
Finis les câlins!
Les petits regardent leur mère se battre pour piquer la pêche d'un autre:
Elle emporte le butin,
qui se partage ensuite âprement:
Le spot à ours ce devait être Geographic Harbor sur la Péninsule de Katmai. Une belle côte, sauvage. C’est par là que nous avions vu les ours câlins dont j'ai déjà envoyé les images.
Pour une fois nous avons un peu de vent et pas de pluie pour naviguer.
Geographic Harbor: nous y retrouvons nos amis de Sauvage, un petit voilier danois, Muktuk, avec à bord deux enfants, et un voilier suisse, Chamade, tous deux viennent de faire le passage du Nord Ouest:
La Péninsule de Katmai étant un Parc National la chasse y est interdite depuis un demi siècle, donc les ours ne craignent pas les humains . On peut en rencontrer à chaque instant, sans que cela soit forcément conflictuel. Le décor est grandiose: une immense baie parsemée d’ilots, encadrée de hautes montagnes aux pentes moitié neige moitié cendres de volcan. Plusieurs rivières y déversent leurs alluvions .
Dans ces “flats” les grizzly viennent se nourrir à la remontée des saumons. L’endroit est mondialement connu, particulièrement photogénique, mais le saumon n'est pas encore là: nous verrons quelques ours solitaires, broutant dans l’herbe à marée haute,-celui-là doit être payé par l'office du tourime d'Alaska, il pose sans broncher!-
ou grattant la palourde à marée basse.
Le museau au ras du sol le grizzly cherche le coquillage qu’il déloge en ratissant avec ses griffes, il le croque à grand bruit comme un biscuit, coquille inclue.
Très vite il sent qu’il s’enfonce dans le sable mou, il part un peu plus loin, sous les rires moqueurs d une pie ou d’une mouette ...
A force de jouer avec les ours nous nous sommes fait une petite frayeur. Un matin, une jolie balade sur un ilot à l’entrée de la baie de Geographic Harbor.
Ayant perdu mes lunettes de soleil j’avais rebroussé chemin et laissé mon sac photo sur la plage et Rémi un peu plus loin. Rémi, monté sur la berge a aperçu soudain un grizzly qui s’approchait, le museau au ras du sol. L’ours a senti une présence, accéléré dans sa direction, de plus en plus vite, ils peuvent être rapides ces balourds ! et soudain il s’est arrêté, à trois mètres de Rémi qui avait la main sur sa bombe à ours (le pepper spray = jet de poivre sous pression), prêt à s’en servir. L’ours s'est gratté l'oreille puis il est reparti à ses palourdes. On appelle ça une charge d’intimidation, ça marche à tous les coups!
De mon côté, de loin j’ai aperçu l’ours qui après sa charge s’en prenait à mon sac puis le laissait, n’y ayant trouvé aucune odeur de nourriture, et s’acheminait tranquillement vers un passage étroit où nos chemins devaient se croiser. Montée sur la berge pour le laisser passer, je l’ai vu s’arrêter à mon niveau, tourner la tête à droite à gauche pour mieux sentir (c’est bon signe!), me jauger du regard et repartir dédaigneusement. Ouf! Entre temps Rémi avait récupéré mon sac..
Ce qui est bien en Alaska c’est que même quand on se quitte un quart d’heure aux retrouvailles on a plein de choses à se raconter!
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