Après tant de temps!
Voilà deux ans et demi que nous nous disons : " On s'répare et on repart! " Eh bien c'est fait, nous voilà repartis! Pas loin, pour l'instant! Nous sommes à peine sortis du lagon de Liapari où Kauana nous attendait pendant que Rémi soignait un cancer et le monde la COVID...une traversée sans cartes ni repères dont on s'efforce d'effacer les traces...
Les iles Salomon étant un des derniers pays à ouvrir ses frontières ce n'est que mi-juillet que nous avons pu y retourner. Emotion des retrouvailles et accueil chaleureux du staff de Liapari, qui a fait une petite beauté à la coque de Kauana. Sobriété des mots : « Welcome back ..After so long ! »
Cinq familles isolées du reste du monde, venues d'iles différentes et recrutées pour leurs compétences en mécanique, électricité, menuiserie...Noël les a quittés il y 6 mois, une crise cardiaque. Ils essayent tant bien que mal de faire sans lui....
Nous sommes invités à fêter les 70 ans de Rose, sa femme.
" Moi je suis trop bien dans cette ile ...je resterai toujours ici ..si un jour vous ne me trouvez pas ici , c'est que je suis là-haut.." dit-elle dans un éclat de rire en montrant la colline où est enterré Noël " …
Deux ans et demi sans entretien, trois moussons et 35 degrés en permanence...Kauana a pris un coup de vieux...mais pas un brin de gite!
L'intérieur est parfaitement sec. Par contre quel spectacle ! des toiles d'araignées partout et des milliers d'ailes de charançons dont elles se sont probablement nourries..Il a du s'en passer des combats en notre absence! Trois paquets de Sao ont suffi à alimenter les troupes!
Inspection des coffres arrière pas brillant : l'un est plein d'huile, des bidons ayant explosé, l'autre est plein d'eau, les gouttières prévues pour l'évacuation des capots étant bouchées par les fientes d'oiseaux ou les guêpes maçonnes...
Les batteries moteur sont plates, les changer va être toute une affaire: on ira en chercher à Gizo avec le bateau du staff...quand il y aura de l'essence.. mais elles se révèleront aussi plates, il faudra donc en commander d’autres à Honiara...
La dérive est bloquée en position haute par des huitres de palétuvier.Il va falloir aller sur le slipway...Mais le slipway est cassé... A 5 ou 6 gars ils le font fonctionner à la main!
La voile restée à poste sous deux tauds a hébergé un vrai poulailler!
Il y a un nid à chaque pli, et des nids sur un mètre à l'intérieur de la bôme ... ça en fait des p'tits oiseaux! Le pire c'est que tous ces bébés nés à bord de Kauana, reviennent et revendiquent à grands cris, avec largage de fientes colorées, leur droit du sol...Une vraie manif jusqu'au mouillage au milieu du lagon!
On enlève la GV pour un nettoyage à terre..Petite amélioration.
L'enrouleur de génois ne veut rien savoir, il est bloqué..Il va falloir s'en passer!
Voilà le bilan: pas de catastrophe mais beaucoup de boulot! La main d'oeuvre ne manque pas, pleine de bonne volonté, mais encore faut-il qu'elle soit disponible! Nos anges gardiens ont résisté au Covid, sans travail venant de l'extérieur, en se remettant aux activités traditionnelles, potager, pêche, coprah...Le temps qui leur reste pour nous c'est la part des oiseaux...celle qui reste après l’indispensable.
Heureusement pour nous il y a Pauline.
Pauline est organisée, elle arrive sur sa pirogue chargée de fruits et légumes, toujours le sourire, elle passe la journée avec nous, ou sur les autres bateaux, essentiellement pour aider au nettoyage...Elle paiera ainsi la scolarité de ses deux enfants...
Le lagon de Liapari est beau et très protégé, un bon endroit hors cyclone, mais il y fait extrêmement chaud et humide, une ambiance pot-au-noir avec des journées sans air coupées par des averses violentes; ça fait des beaux couchers de soleil et c'est excellent pour les bananes, mais pour y laisser un bateau aussi longtemps ce n’est pas l’idéal !
et pour y travailler c'est dur! Nous alternons plongeons à fond de cale et plongeons dans l'eau tiède…
Le soir nous retrouvons nos compagnons de misère pour une bière dans la " round house " prévue par Noël dans ce but, un fare-pote orienté vers la brise et le coucher de soleil...
Quatre autres bateaux sont habités, chacun avec des préoccupations différentes..Un couple américain sur un gros motor-sailer climatisé qui avait par précaution fait livrer il y a un an voiles , batteries, chargeurs neufs...Un autrichien qui a trouvé son bateau rempli d'eau jusqu'au plancher et entreprend de tout le refaire, un calvaire que son mental de marathonien professionnel l’aide à endurer... Un allemand qui n'a qu'une obsession, ramener à Hambourg son canoë des Salomon et poster la photo sur FB...Et Blackie, qui a passé la pandémie sur son bateau Love, un sympathique octogénaire américain qui sillonne les iles depuis 50 ans et nous raconte ses manifestations contre la guerre au Vietnam comme ses soirées avec Bernard Moitessier à Tahiti...
Après six semaines nous pouvons enfin lever l'ancre et prétendre naviguer...En hissant la GV ça fait un peu Waterworld,
mais quel bonheur!
Les gamins qui partent à l'école sur leur petite pirogue nous font des grands signes. Peuvent-ils imaginer la joie qui nous habite?
Ils ont en tous les cas bien observé les bateaux qui les entourent. En voici un de leur fabrication qui vient nous dire au revoir:
Nous sommes au mouillage à Munda..Internet, un bistrot, un beau marché ... la civilisation après Liapari! et surtout il y fait plus frais…
Félix nous rejoint ici dans deux semaines, avec son sourire et une valise de pièces détachées!
Nous allons rester dans cette partie Nord des Salomon avant d'aller vers la Papouasie.