Iles Salomon 2

Nous passons pas mal de temps sur l'ile de Kolombangara, " la reine des eaux". Forêt luxuriante, cascades, il y pleut plus qu'ailleurs...mais en l'absence de vent l'extérieur des mouillages offre des fonds sous-marins superbes, aux tombants à pic, avec plus de poissons qu'on n'en a jamais vus. Rien qu'en snorkeling on se régale..
On a l'impression d'avoir jeté l'ancre au milieu de la jungle; on oublie les crocodiles et on écoute les oiseaux. Des pigeons rouges qui roucoulent à longueur de journée, des chouettes qui hurlent en plein jour comme des chats sauvages, des cacatoès blancs aux cris perçants, des calaos papou au bec énorme, ils survolent la canopée dans un froissement d'ailes remarquable.

Cette ile, un ancien volcan couvert de forêts aux essences rares, a fait l'objet d'un logging acharné depuis que les occidentaux s'intéressent aux Salomon, à tel point que depuis une cinquantaine d'années, le gouvernenment a racheté la moitié des terres pour  arrêter ce pillage et organiser une replantation. Une société mixte, la KFPL (état Salomon, plus société Malaisie, Australie) règne sur l'ile, autant pour la protection que l'exploitation des bois replantés, employant des tâcherons venus de toutes les iles...Gros avantage pour nous: il y a des chemins tracés, des pistes, qui facilitent bien les balades. On ne montera pas jusqu'au sommet du volcan, mais pas loin! Il y pleut des trombes...

Dans les autres îles on assiste à un pillage éhonté, une centaine de sociétés de tous pays coupent tant et plus des arbres somptueux, laissant pourrir sur place les moins beaux troncs et ne replantant rien derrière..Après avoir monneyé auprès des chefs de village l'autorisation de " logging" elles arrivent avec leurs équipes, leurs engins et embarquent tout ce qui fera nos meubles et palissades en bois exotiques..Les villageois n'en tirent aucun bénéfice, même pas un boulot, ils se voient soudain empêchés d'aller couper un arbre pour leur maison ou leur pirogue...Pour nous la forêt c'est une jungle emplie d'arbres magnifiques et animaux bizarres. Mais pour les habitants des iles la forêt, écosytème foisonnant, c'est la survie, autant que la mer... On parle beaucoup de l'Amazonie mais ce qui se passe ici est grave, car la population augmente très vite et les ressources diminuent encore plus vite...

La sylviculture, le coprah, la pêche et l'agriculture vivrière sont les principales ressources du pays.Très peu de tourisme. Les richesses minières commencent à être exploitées, nickel, cuivre, or... C'est l'or qui valut à ces iles leur nom.Lorsqu'en 1568 l'espagnol Alvaro de Mendana aborde ces iles alors inconnues il est frappé par les décorations scintillantes des pirogues en bois noir et les colliers que portent les indigènes...Cela suffit à répandre la rumeur qu'il s'agit des iles mythiques d'où proviendrait l'or du temple du Roi Salomon. Le manque de vivres et les conflits l'obligent à repartir. Il lui faudra attendre vingt cinq ans pour y retourner. La dote et l'enthousiasme de sa jeune épouse Isabella Baretto permettent une nouvelle expédition avec projet de colonisation. Ils partent de Lima,  découvrent les îles Marquises au passage, ne retrouvent pas les îles où Alvaro était passé précédemment mais les îles Santa Cruz qui aujourd'hui font partie des Salomon. La flotte connait des difficultés, internes, externes, techniques, Alvaro de Mendana meurt de la malaria. Isabella prend alors le commandement de l'expédition, devenant ainsi la première femme amirale d'une flotte espagnole et la première "governadora" des iles Salomon. Catherine Lapierre raconte son histoire dans un beau livre: " Je te vois reine des quatre parties du monde ". Déterminée, Isabella conduit ce qui reste de la flotte jusqu'à Manille. Là elle épouse un autre navigateur avec qui elle rentre vers Lima, le projet étant de repartir vers les Salomon. Mais Isabella reste à Lima, elle se retire dans un couvent, torturée par le remord de la cruauté dont elle avait fait preuve lors de son commandement.

Au milieu du XIX° siècle des colons allemands et anglais s'installent aux Salomon. Protectorat britannique en 1899 puis indépendance en 1978. Monarchie constitutionnelle faisant partie du Commonwealth. En 2003 et 2004 des émeutes importantes, imputées à des conflits ethniques, ont secoué le pays, le gouvernement a du faire appel à  ses voisins  du forum du Pacifique. L'Australie qui a mené les opérations conserve un rôle d'assistance auprès du gouvernement salomonais...Dans le commerce comme dans l'aide humanitaire les australiens et les chinois sont les plus présents.

A Gizo nous sommes mouillés devant le bar PT109, du nom du destroyer américain qui coula sous l'effet des bombardements japonais en 1943 à proximité de l'île. A son bord était le jeune lieutenant John F Kennedy. Avec son équipage ils ont nagés jusqu'à un ilot où un homme les a recueillis et soignés. Depuis l'ilot Kasolo s'appelle Kennedy island, l'homme est devenu un héros..

Les Salomon ont été un carrefour de batailles entre américains et japonais pendant la guerre du Pacifique, les japonais ayant l'ambition de conquérir l'Australie qui n'est pas loin. Epaves d'avions, bateaux et canons constituent une attraction touristique et un trésor pour les plongeurs sous-marins. 
En ce moment des hélicoptères australiens sillonnent la région pour faire sauter les bombes datant de cette époque et constituant un véritable danger pour les habitants...Ces bombes sont là depuis 75 ans, on les enlève à peine maintenant.. on sent qu'on est au bout du monde!

Quelques images de Gizo, la 3° ville des Salomon. En 2007 un tremblement de terre avec tsunami l'a en partie détruite. Un hopital et un marché couvert ont été reconstruits avec l'aide australienne. 

Le marché aux poissons. Pas beaucoup de fusils sous-marins mais plus souvent une flêche et un sando, ce qui explique qu'on attrape surtout des petits poissons...tous ces poissons multicolores qu'on admire dans nos balades sous l'eau!

Une  station-service : 

Une des multiples échopes où on vent des cigarettes à l'unité, et les noix de bétel,  aux vertus médicinales et aphrodisiaques, qu'on chique et crache à tout bout de champ. C'est ce qui fait les machoires rouges!

C'est à Gizo, plus exactement sur un ilot à côté de Gizo ou se situe l'aéroport, que nous prenons l'avion qui nous emmène à Honiara la capitale, puis à Brisbane en Australie, Hong Kong et Paris où nous sommes arrivés hier et d'où je poste ce dernier article. Nous avons laissé Kauana au mouillage à Liapari, sur l'ile de Vela Lavela, aux bons soins de Noël ...et de la Vierge Marie!

Noël  est un néo-zélandais installé depuis 45 ans sur cette île perdue  , où il a tout fait : le coprah, un élevage de cochons, un atelier mécanique, et maintenant il garde une dizaine de bateaux entre des épaves de récupération, tout en construisant un futur restaurant panoramique...un rêve, dit-il, en imaginant que le tourisme se développera. Personnage haut en couleurs et sympathique que rien ne fait reculer!