La France en Nouvelle-Zélande de 1840 à 1846
C’est le titre d'un livre que j’ai lu pendant cette remontée de la côte Est, le récit d’un épisode assez cocasse de notre histoire qui eut lieu à Akaroa.
Le musée et une plaque commémorative rappellent cette tentative de colonisation par la France.
Dans la première moitié du XIX° siècle les baleiniers européens et américains écument les mers du Sud. Les anglais ont pris possession de l’Australie et sont déjà très présents dans l’ile du Nord de la Nouvelle Zélande. Le capitaine d’un baleinier français, le Capitaine Langlois, a idée de créer une base de relâche pour les baleiniers, et plus, sur l’ile du Sud; le site d’Akaroa sur la Péninsule Banks, un ancien cratère entouré de petites baies indentées, paraît idéal :
Langlois négocie avec les chefs maoris l’achat de terres contre quelques haches et paires de bottes et rentre en France pour chercher des partenaires financiers . Il a le verbe haut et promet l'enrichissement rapide. La compagnie Nanto-Bordelaise est créée. On ne parle pas officiellement de colonisation afin de ne pas éveiller les soupçons de la puissante Angleterre, cependant le Roi Louis Philippe soutient financièrement le projet, et un navire de guerre fait partie de l’expédition. En juillet 1840 alors que le navire Comte de Paris chargé de vivres, de matériel et une soixantaine de colons, vogue vers l’ile du Sud de la Nouvelle Zélande sous le commandement du capitaine Langlois, le vaisseau l’Aude sous les ordres du Commandant Lavaud fait escale en Baie des Iles dans l’ile du Nord. Visites de courtoisie et amabilités diplomatiques avec ses homologues anglais, il est convié à une grande fête à Waitangi qui se révèle être la signature du Traité de Waitangi par lequel les chefs Maoris de l’ile du Nord se mettent sous la protection de la couronne britannique. Rien que ça! Ce n’était pas prévu au programme!
En même temps les anglais envoient des émissaires dans le reste du pays pour obtenir plus de signatures. Ce traité fera par la suite l’objet de multiples remises en question par les Maoris tant les notions de propriété et souveraineté n’ont pas la même signification d’une culture à l’autre En attendant, les français sont mis devant le fait accompli : désormais les iles de la Nouvelle Zélande sont régis par les autorités britanniques. Vrai dans l’ile du Nord, mais pas forcément dans le Sud vierge encore de tout établissement étranger…
Les français ne dévoilent donc pas la totalité de leur projet dans l’ile du Sud. Mais les anglais se doutent bien que la présence de ce vaisseau armé ainsi que ce navire de commerce français qui fait route vers Akaroa, trahissent plus d’ambition qu’une simple activité baleinière avec quelques paysans pour produire des légumes.
La légende dit que tout en retenant les français dans le Nord avec toutes sortes de festivités et obligations mondaines les anglais envoyèrent un vaisseau à Akaroa qui devait arriver avant eux, toute opportunité de remise en question de la nouvelle et fragile souveraineté britannique devant être évitée. Il semble qu’en réalité le commandant Lavaud conscient de son infériorité en cas de conflit, et sans nouveaux ordres de son roi dans ce sens, avait préféré laisser passer les anglais devant. Il avait prévu avec le gouverneur anglais de créer une enclave française dans ce qui n’était pas encore officiellement un territoire anglais.
A son arrivée à Akaroa le commandant Lavaud trouve donc le vaisseau anglais, qui comme lui déclare n’être là que pour protéger ses ressortissants. Entente cordiale, on ne parle pas de souveraineté. Lavaud rencontre les chefs Maoris et comprend vite que les titres de propriété à l’origine du projet élaboré par le capitaine baleinier Langlois n’ont aucune valeur. Soucieux de péparer l’arrivée des colons auxquels on avait promis un toit, des terres, de l’outillage, il négocie un lieu d’implantation qui deviendra le « village français ».
Puis arrive le navire Comte de Paris avec les colons et le tonitruant capitaine Langlois qui s’oppose à la gestion diplomatique de la situation par Lavaud. Théoriquement représentant de la compagnie Nanto Bordelaise qui mène le projet, il est mis en prison par ce dernier pour trouble de l’ordre public, il voit ses canons débarqués et ses prétentions sur la Péninsule de Banks ramenées à la remise en état de son bateau pour repartir le plus tôt possible en pêche.
La goélette Santa Maria de l’évêque De Pompallier soucieux d’œuvrer dans la nouvelle « colonie » amène deux pères maristes à Akaroa, on construit une église, Les baleiniers font escale dans la baie. Les colons défrichent et plantent…
A défaut d’accomplir la mission initiale Lavaud s’attache à protéger les intérêts des français sans laisser flotter le drapeau britannique sur la baie. Après deux ans et demi, il est remplacé par le commandant Bérard qui tentera de maintenir le statu quo jusqu’au jour où les autorités d’Auckland décideront de mettre fin à la situation d’exception d’Akaroa. Les colons seront naturalisés, les lois, droits et taxes britanniques s’appliqueront à Akaroa comme dans le reste du pays.
S’ensuivra une saga quant à la propriété des terres et au dédommagement des actionnaires de la compagnie Nanto Bordelaise.
Aujourd’hui seuls les noms de rue rappellent qu’il y a eu un village français dans la baie d’Akaroa. La « french touch » donne aux bistrots, nages avec les dauphins et autres attractions touristiques une saveur particulière que le Rainbow Warrior et les essais nucléaires à Mururoa n’ont pas ternie.
* "La France en Nouvelle-Zélande de 1840 à 1846"
Sous-titre "Un vaudeville colonial"
Auteur : Muriel Proust de la Gironière