Immersion
GALERIE PHOTOS LAMAP.................
Retour de Hiw vers Santo en 24 heures. Route contre l’alizé, pêche d’un beau yellow en partant.
Arrivés à Santo nous sommes assaillis de messages de Thomas. Il a retrouvé le smartphone , il nous attend à Ambae. Nous étions partis dans un autre monde, voilà ce cauchemar qui revient. Les vents sont à l’Est, refaire cette route au louvoyage ne nous dit rien, nous sommes tentés de lui dire de garder le smartphone pour lui, on se verra une autre année. Mais non, il faut retourner dans cette communauté , ne pas rester sur un sentiment négatif, ils ont été blessés comme nous par cette histoire de vol. Nous partons acheter un smartphone pour Thomas en remerciement de son aide et nous reprenons la mer pour Ambae.
Nous sommes accueillis avec des fruits, des cocos. On est en pleine fêtes de l’Indépendance du Vanuatu, c’est Nagniré qui reçoit les autres villages. Jeux sportifs, snacks, musique, kava, il y a du monde. Thomas ne nous lâche pas alors qu’il a mille choses à faire en tant que village hôte. Les uns les autres viennent nous saluer. Comme des condoléances suivies de la promesse du paradis on nous dit :« Vous avez été volés, on a retrouvé le téléphone…» Le chef du village du voleur vient aussi nous voir, ainsi que l’oncle du voleur qui dit « je m’occupe de lui »..Tout le monde ..sauf le voleur! Pourtant il est là dans la foule qui assiste aux matches… « Qu’est-ce qui s’est passé pour lui après ce vol ? –Rien, il est dans le village, on sait ce qu’il a fait, il sait que ce n’est pas bien, on va le surveiller pour qu’il ne recommence pas.»
Le chef coutumier est décédé il y a quatre mois. Pour lui succéder son fils Justen a tué dix cochons; pendant cent jours il est resté dans le nakamal, sans se laver ni se raser.
Pour manifester au nouveau chef son soutien, et en même temps s’assurer de sa protection, son entourage lui a offert des cochons, Justen en a reçu plus de cinquante; sa femme, Charity, doit gérer ce trésor; mais comme elle est directrice de l’école et institutrice elle manque de temps, elle doit donc payer quelqu’un pour s’occuper des cochons.
Justen range son telephone portable et commence à nous expliquer ce système des cochons, les "pigs", dont on nous parle toujours. « C’est la seule valeur sûre des échanges, la meilleure monnaie.." nous dit-il.
Justen en a tué dix pour son intronisation, comme l’exige la coutume, les autres il les offrira à d’autres chefs, des anciens ou des personnes influentes afin de gagner plus de grade, ce qui correspond à avoir plus de crédit, donc plus de soutien en cas de besoin..
« A l’origine de cette coutume on offrait des humains. Cela se pratique encore dans quelques communautés très reculées à l’intérieur des iles de Santo et Malecula, mais, nous confie-t-il, avec l’aide des églises nous essayons de leur faire comprendre que ce sont des pratiques de notre coutume qui ne sont pas bonnes ». Car les humains, comme les cochons offerts, on les mange. Le crime qui peut nécessiter une crise de cannibalisme, ou plus moderne, l’offrande de cochons, est le vol, surtout le vol de la femme d’un autre. Nous nous demandons rétrospectivement si nous valions un cochon à Ambae… Question pour rien car le village du voleur est adventiste du 7° jour, on n’y mange pas de cochon…
Ceux qui en ont les moyens élèvent un ou des cochons pour les occasions importantes: passage de grade pour les chefs, mariage, fêtes… Mais ces cochons n’ont pas que la queue en tirbouchon, ils ont aussi les dents recourbées…En effet sur le jeune cochon on enlève les canines du haut de manière à ce que les canines du bas poussent librement jusqu’à former un double anneau. Plus le tirbouchon est formé plus grande est la valeur du cochon.
Nous connaissions bien l’existence de ces cochons à dents recourbées, pour en avoir vu débarquer dans des cages dorées à Port Vila, mais nous n’en avons jamais vu dans les villages. « C’est normal, on les cache! si on sait qu’on a un cochon, on va faire pression sur nous, on devra l’offrir! » Une sorte de bas de laine caché sous le matelas! à ne pas confondre avec les cochons qui courent partout et qu’on tue à l’occasion d’un bon repas…
Imprégné de son tout nouveau rôle de chef coutumier Justen a à cœur de nous expliquer tout cela, l’importance de la coutume sur le fond comme sur la forme.
Il veut aussi nous avertir des dangers qu’encourent les visiteurs extérieurs au village pour qui la protection du chef n’est pas un dû. Il y a eu un beau yacht-club à Asanvari, offert par l’ambassadeur de Nouvelle Zélande. Le cyclone l’a détruit. Va-t-on le reconstruire ? On réfléchit. « Si on en a les moyens on le reconstruira peut-être..mais à notre façon, avec nos matériaux… »
On saisit la contradiction qui le perturbe entre l’ouverture à l’extérieur nécessaire au développement du Vanuatu par le tourisme, la coopération ou l’assistance étrangère, et la nécessité de conserver la cohérence de la coutume et l’intimité des communautés…C’est très intéressant car c’est un chef encore jeune, plein d’ambition, et d’expérience , il a travaillé 17 ans au tourisme à Port Vila…
Nous sommes encore dans les festivités pour l’Indépendance.
Parties de foot et danses des enfants.
Lever du drapeau national. Le nom « Vanuatu » signifie en bislama « le pays qui tient debout », pays qui a su résister à la colonisation, aux cyclones, aux tremblements de terre et aujourd'hui s’interroge sur sa modernisation.
Comme nous avions fait un don pour réparer le toit de l’école emporté par le dernier cyclone, Justen en fait l’annonce au micro, il fait monter Rémi sur scène ce qu'il n'aime pas beaucoup.« La transparence, c’est important…» nous dit-il
Avec lui sur le podium une jeune américaine de Peace Corp. Elle a organisé la mise en place d’un relais internet entre le village où elle est accueillie et des médecins de Santo. Une femme dont l’accouchement se présentait mal a été sauvée grâce aux conseils ainsi reçus.
Mais il y a Rock et Noela, un couple adorable qui transforme ce lieu en un havre de paix chéri des navigateurs. Des personnes merveilleuses de finesse et de bonté, pleins d’humour. On passe de si bons moments avec eux que j'en oublie de faire une photo.
Quelques images du festival qui a lieu à Lamap, à une demie-heure de marche du mouillage. Lamap est une ville francophone et catholique. Ecole, mission, centre médical, aéroport, c’est la capitale sud de Malekula.
L’accueil des visiteurs du festival est somptueux.
Pendant deux jours on va s’occuper de nous, nous montrer ce qu'on peut de la culture de l'ile. Le costume traditionnel de Malekula c’est l’étui pénien pour les hommes, le « small namba » au Sud de l’ile, le « big namba » au Nord, et un moré en pandanus pour les femmes.
Tout se passe autour d’un grand tambour, dans un lieu tabu que le chef coutumier autorise pour cette occasion..Les danses des hommes sont les plus impressionnantes.
Robert, le chef coutumier, qui a gardé son short quotidien mais préside à l’accueil des danseurs venus d’un autre village, Robert, offre son bâton à Rémi, on lui avait offert un tee-shirt en arrivant…
Tout le village a participé aux préparatifs, le spectacle est aussi pour eux.
Des adolescentes qui regardent de loin tout en tressant leurs cheveux et en se faisant ensuite des selfies, me disent: « C’est pour les vieux ça.. »
Quittant Port Sandwich nous allons directement vers Port Vila.