OKINAWA
Position : N 26° 13 7 , E 127° 39 41
24 mars 2010
Arrivés au petit matin en vue d’Okinawa, c’est bien vrai, nous sommes en Mer de Chine Orientale: émotion, rêve, on s’embrasse!
Pas longtemps! Survolés par des hélicoptères, encadrés par un porte-avions américain et bon nombre de bateaux de pêche, il nous faut annoncer notre arrivée aux Coastguards qui nous indiquent où accoster...
Nous n’avons pas encore mis les amarres à quai que tout le monde est là: les coastguards, l’immigration, la douane, les services santé: tous pareils, on les croirait sortis d’une boîte de playmobiles!
Mais on ne joue pas, nous aurions dû annoncer notre arrivée 72 heures auparavant ; nous ne l’avons pas fait, on nous pardonne mais il nous faut signer un document comme quoi la prochaine fois nous aurons une amende de 50 000 yen. La conversation se fait en anglais, tous nos interlocuteurs consultent leur traducteur électronique.
Nous sommes à Naha, grand port de commerce et de pêche.
Dés que les papiers sont faits nous partons à terre, renifler, toucher, s’émerveiller de trouver ce que nous avions bien aimé lors de voyages précédents au Japon, ces petits havres de paix et de poésie que les japonais savent créer avec trois pots de fleurs au milieu du béton et du macadam…
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Le Port Authority nous attribue une place dans un petit port où il n’y a que des bateaux à moteur, pêche, promenade ou plongée, et un voilier japonais : Cherub, avec Captain Henry à son bord, de père américain et mère japonaise.
En hiver Henry habite plutôt à terre, en été il emmène des élèves ou des “guests” sur les belles plages des îles autour de Naha. Grand joueur de sanshin, le luth japonais à trois cordes, il est intarissable sur le Nord du Japon où il a été chef des Coastguards.
Il y a une vraie marina pour yachts à quelques kilomètres au Nord, Ginowan, mais nous sommes bien là, au coeur de la ville.
Naha est une très grande ville par rapport à tout ce que nous avons vu depuis la côte du Chili, et très amusante à découvrir à pied : moderne car presque entièrement détruite par les bombardements en 1945, quelques constructions plus anciennes voisinent avec les grands hôtels, les quartiers pour soldats américains où on se demande ce que fait là un couple main dans la main. L’ambiance est gaie, le tourisme important et les Japonais en vacances sont plutôt décontractés.
Grande surprise: la température! Alors qu’en quittant Guam nous étions encore en paréo, ici nous avons besoin de la couette : treize degrés la nuit!
Plaqués contre le quai par un fort vent du Nord, il nous a fallu racheter des parbattages pour jongler avec les marées : deux mètres de marnage environ.
Coté internet, ce n’est pas vraiment ça : nous n’avons rien trouvé en dehors de deux cafés internet comme il y a dix ans, et des bornes d’accès dans les offices de tourisme sans moyen de connecter même une clé USB ...
Pour la Wifi, il faut apparemment passer par les téléphones portables et donc prendre un abonnement ...réservé aux résidents.
Il va falloir tirer cela au clair !
Cet après-midi nous avons passé deux heures dans un jardin chinois : après une matinée à monter de nouvelles platines de support de tangon de trinquette soudées dans un petit atelier du port de pêche, c’est pour le moins déconnectant !
Visite au bureau des Affaires Maritimes pour obtenir un genre de “cruising permit”, permis de naviguer. J’ai l’habitude, beaucoup de pays tout en îles le demandent. Là c’est un peu différent : il s’agit d’une autorisation de s’arrêter dans les ports normalement fermés aux étrangers, les “closed ports”.
Entre Okinawa et Kyushu il n’y a pas de "port ouvert", or nous avons bien l’intention de visiter quelques unes de ces petites îles du Ryukyu… Une semaine est nécessaire pour obtenir ces autorisations. Quand on n’est pas prévenu ce n’est pas simple !
Il me faut établir sur l’heure un programme d’escales, jour après jour. Trois paires d’yeux d’un dévouement à tout épreuve fixent mon papier blanc, une seule parle anglais... Je cale ! C’est impossible !
Pour commencer je ne suis pas encore bien familiarisée avec les noms, “Ie jima”, “Ize jima”, “Yakushima”, “Amami”...tout s’emmêle!
Pas de problème: on me donne un crayon et une gomme !
Je commence par mettre des fourchettes de dates. On me rend ma feuille avec certaines lignes effacées :
« On ne peut pas être à deux endroits le même jour. Il faut être plus précis.
- Mais je ne sais pas quel jour nous partirons, quel jour nous resterons, comment sera le temps…
- Bien sûr, m’objecte-t-on, en cas de mauvais temps nous nous montrons compréhensifs
- Et puis si un endroit nous plaît; si on a fait des rencontres sympathiques, on reste un peu plus longtemps; si on ne s’y sent pas bien, s’il y a du ressac ou les camions poubelles à deux heures du matin, on s’en va, c’est ça la vie en bateau ...”
J’arrête car même si je le disais en japonais on ne me comprendrait pas...
C’est ce que je crois mais en réalité on m’a très bien comprise ! On m’amène une carte touristique, avec les noms en caractères romanis, ce qui est déjà plus facile…et voilà mes fonctionnaires des affaires maritimes transformés en tour operator : « -Là vous pouvez rester deux journées, il y a des forêts célèbres. Vous voulez voir les volcans? Alors il faut vous arrêter là. -Et cette île? Non ça n’est pas intéressant, etc.” Après deux heures de travail intense le programme est établi, la liste écrite à l’encre... Il me reste à montrer ça à Rémi : je me demande bien ce qui en sera respecté !
Nous quittons donc Okinawa.