LES FJORDS DU SUD OUEST 1
Route Ouest, route Est, notre destination finale étant l’ile Stewart au Sud nous hésitons. Ce sera la côte Ouest, la côte des fjords. Battue par les vents de Sud Ouest et la houle de la mer de Tasmanie, elle reçoit aussi bien les dépressions tropicales venant du Nord que celles venant d’Antarctique à raison de deux à trois par semaine. Quand une zone de hautes pressions arrive à se faufiler sur les cartes météos elle n’y reste pas longtemps, bousculée par un nouveau cycle dépressionnaire, vent Nord Ouest, pluie, vent Sud Ouest. C’est ce petit créneau anticyclonique que nous guettons pour sonner le départ. La première étape est la plus longue : 450 miles sans escale possible pour arriver au Milford Sound ; puis nous ferons des « sauts de puce » pour passer d’un fjord à l’autre, et passerons le cap Puysegur au large vers l’ile Stewart.
Nous quittons Nelson un soir avec une petite brise Sud Ouest qui mollira au cap Farewell.
Mer plate comme cela arrive rarement dans cette zone, bonne pêche de thons, sommets enneigés sur la côte, couchers de lune, levers de soleil, le spectacle est fascinant,
Un ciel chargé nous conseille de ne pas trop traîner. Moteur, voiles, moteur… En trois jours nous sommes à l’entrée du Milford Sound.
Encadré de sommets à 2000 mètres, les parois verticales couvertes de forêt retiennent les dernières brumes de la nuit.
Bateaux de pêche, de tourisme, kayakistes apparaissent au détour d’une falaise: ce fjord est le plus visité de toute la côte car le seul accessible par la route…
Les dauphins, bottle-nose, bondissent hors d’une eau sombre
Au fond du fjord, à côté de quelques bâtiments, hôtels ou gîtes, un minuscule port, plutôt un ponton avec une pompe à gasoil, des murs de casiers à langoustes sur les berges.
Aux abords des fjords on pêche la langouste, la crayfish ou langouste de roche. Pêche très réglementée. La saison est théoriquement terminée mais certains pêcheurs ont gardé une partie de leur quota pour le nouvel an chinois, nous explique l’un d’entre eux, les prix montent à cette occasion. En effet toutes ces langoustes se vendent à l’exportation en Chine, elles partent vivantes, en camion frigo de Milford, en hélicoptère des autres fjords, puis en avion.
Après avoir fait le plein de gasoil nous nous mettons sur une bouée dans Deep Basin.
Nous y restons deux jours, sous une pluie torrentielle, le temps de laisser passer la dépression et démonter l’alternateur qui nous joue des tours…
Départ au petit matin, avant que le vent ne se lève dans le sens contraire du fjord. Spectacle magique des nuages qui se faufilent encore d’une baie à l’autre avant de disparaitre sous les premiers rayons du soleil…
Les portes du Milford se referment,
nous retrouvons la houle, les pétrels, les albatros …. et les nuages de la prochaine dépression!
A douze miles au Sud nous entrons dans le George Sound…sous la pluie!
Mouillage devant Alice Falls. Une longue corde avec des bouées traverse le fond du mouillage, laissée par les pêcheurs, nous nous y amarrons. Le vent souffle en rafales de l’Ouest, on prend une autre amarre à terre, dans les arbres. Il pleut des trombes. Quand nous étions en Patagonie ces amarrages en araignée sous la pluie c’était le boulot de Félix.. Là c’est le mien, on rajeunit!
Mouillés très près du bord la situation devient vite infernale à cause des sandflies, il y en a des millions, quand on parle on les avale !
On nous avait donné plein de recettes contre les sandflies: manger du Marmite, cette infecte potion qui imite le jus de viande..Prendre des pillules de superlevure ou boire beaucoup de bière..au choix.. Mais ce qui marche bien c’est : moustiquaires +manches longues+ bottes+ gants et s’enduire de lotion répulsive…Malgré tout cela elles arrivent quand même à nous piquer..Il y a alors un truc très efficace indiqué par un navigateur kiwi : tremper une cuillère dans un thé brûlant et l’appliquer sur la piqure ! la chaleur anihile le venin et ça ne démange plus…
Assez obsessionnelles ces sandflies ! On déménage dans une baie à côté un peu plus ouverte, l’ancre dans trente mètres d’eau. Il y a une "hut", refuge pour chasseurs ou randonneurs, qui marque le point de départ de jolies balades vers une cascade, un lac… les sandflies ne nous suivent pas.
Un soir nous voyons arriver un hélicoptère, en quelques minutes il embarque trois personnes apparues soudainement sur la grève, et repart avec une biche en pendaison. Nous avions vu ce spectacle à Milford: un hélicoptère qui traine une grappe de biches accrochées par les pattes et descend au ras de l’eau de la rivière pour un dernier rinçage avant le camion frigo…
On est toujours étonné de trouver des sentiers marqués, des ponts, des refuges dans les coins les plus reculés …on ne croise jamais personne, le territoire est si grand!
Sous les fougères arborescentes et les arbres moussus poussent toutes sortes de champignons…L’eau dégouline partout, on est dans une éponge. Parfums d’humus et de tourbe auxquels se mêle la vanille des orchidées.
Sous-bois fantastique que seul le froufrou des fantails vient troubler, ces petits oiseaux avec une queue blanche en éventail.
Départ tôt le matin vers le prochain fjord, le Thompson Sound.
Il fait beau, côte éclairée qui se découpe dans la brume, élégance des albatros qui passent des cimes au ras des vagues en oscillant à peine de l’aile…On voit surtout des albatros dits « albatros à calotte blanche ».
Les chasses frénétiques des poissons en surface dans la longue houle, suivies par des nuées de pétrels, puffins, sternes et albatros…
Sur cette photo on voit un thon qui saute, à la poursuite d’un plus petit poisson :
Entrée du Thompson Sound:
Pas loin de l’entrée du fjord un joli mouillage: Deas Cove. Une bouée toute neuve nous tend les bras. Nous nous y amarrons.
Ces corps-morts que nous utilisons parfois ont été posés par des pêcheurs, ou par les bateaux de croisière qui ont des circuits établis ou par les services de l’environnement qui viennent vérifier leurs pièges à nuisibles ( rats, opossums, hermines )… C’est bien pratique car les fonds sont profonds dans les fjords, ou encombrés de troncs d’arbres, ou on n’a pas toujours l’espace d’évitage, ça nous permet de ne pas mettre l’ancre.
Le soir deux bateaux de pêche arrivent, ils s’amarrent à couple un peu plus loin, sympas. Pêche au thon rouge, à la traine : un d’eux en a attrapé un de 45 kilos, il est content! Bill nous conseille son corps-mort à Deep Cove, au fond du Doubtfull Sound, pour la prochaine dépression qui arrive…
Belles balades sur la grève dans le kelp et les bois flottés, on tente de mettre un casier à langoustes, sans succès.
Une plante carnivore, la droséra, qui attrape les insectes qui l’approchent en sécrétant une substance gluante ...On ne dirait pas en la voyant!
Nouvel épisode humide, nous allons vers Precipice Cove, escortés par les dauphins.
Un tour dans le Gear Arm:
Du Thompson Sound on rejoint le Doubtfull Sound sans sortir en mer.
Cela constitue une zone navigable prisée des bateaux de croisière.