Retour sur nos premières escales au Vanuatu
GALERIE PHOTOS..............
VIDEO VOLCAN YASUR ......................
Un temps froid et pluvieux nous rappelle qu’un peu plus au Sud, en Nouvelle Zélande, c’est l’hiver. Nous restons donc une semaine entre Port Vila, sur corps mort devant la ville et le mouillage de Mele, désolés de ne pas offrir mieux à Véronique qui arrive d’une Bretagne ensoleillée.
Cette escale forcée nous permet de découvrir un lieu fascinant, le musée Utlalo, qui signifie «tapu», «interdit», le musée du Père Rodet, situé dans la mission mariste.
Le père Rodet, arrivé au Vanuatu en 1961, a récolté au cours de sa vie de missionnaire dans les iles, une
collection d’objets culturels: tambours, masques, costumes, ustensiles de chasse, pêche, cuisine, mais aussi des pirogues, un nakanal de Malicolo…et une grande connaissance des pratiques et croyances locales. Son but: éviter que ces objets quittent le Vanuatu au profit de musées occidentaux ou collectionneurs privés et soient à jamais perdus pour les jeunes générations ni-vanes. Après les avoir stockés pendant des années dans des containers, avec l’aide de l’évêché et d’un sponsor il les a organisés en un parcours didactique ouvert au public.«D’où viens-tu? Où vis-tu? Où vas-tu? » sont les questions auxquelles la sagesse ancestrale apporte des réponses au même titre que la foi et la science. Pour aider les jeunes à trouver un sens à leur vie le Père Rodet veut par ce musée leur offrir un accès aux objets et pratiques culturels qui les ont façonnés .
« Il n’y a pas d’homme sans culture, il n’y a pas de hiérarchie des cultures » affiche également ce sympathique père mariste passionné d ‘anthropologie, tout en insistant sur la recherche du beau qui reste une constante dans la création humaine.
Il possède une collection de pierres magiques impressionnante, simple caillou ou ouvrage sculpté, ces pierres, comme tout objet de la nature ou la vie courante, sont habitées par des esprits que seul un initié peut éveiller, dans un but plus ou moins bienfaisant. Le Mélanésien vit au contact permanent des esprits, nous explique-t-il, il les invoque aussi bien pour obtenir la pluie, que la guérison ou une bonne récolte d’ignames, mais aussi faire du mal à son ennemi…
Les esprits...Nous nous doutions bien de cette face cachée dans nos relations avec les habitants des iles. On n’y comprend rien mais il ne faut pas en rire, et savoir accepter la compagnie d’un guide, même un enfant, car les forêts sont peuplées d’esprits et les chemins bordés de pierres magiques.
Le Père Rodet a 85 ans, il ne sait pas qui s’occupera du musée après lui, on sent une certaine tristesse avec la crainte que ce trésor soit éparpillé.
La météo s’améliore, nous profitons d’un vent un peu plus Est que Sud pour nous diriger vers le Sud. Escale à Erremango, où David nous accueille.
Ana envoie sa fille en pirogue pour nous remercier des cadeaux que nous lui avions offerts en remerciement de papayes et bananes qu’elle nous avait offertes, elle nous invite à un gôuter chez elle. C’est touchant de gentillesse.
Balades le long de la rivière,
Jolis fonds de corail au Nord du mouillage, avec eau claire mais peu de poisson…
Vent de Nord Est, c’est bon pour aller à Tana sur un seul bord mais pas bon pour le mouillage de Port Résolution ; nous nous arrêtons donc sur la côte ouest, devant Lenakel. Joseph le taxi nous amène au volcan Yasur; nous traversons l’ile sur une belle route offerte par les chinois et arrivons dans la cendre au son de chants religieux, Joseph est adventiste.
En raison du vent on regarde le cratère depuis le bord Est.
J’ai essayé de faire une vidéo: cliquer VOLCAN YASUR
Nous voici de retour à Anatom, après quatre mois passés à sillonner le Vanuatu; c’est certainement l’escale la plus cool , tant en terme de mouillage, que de baignades, balades et contact avec les habitants.
Un paquebot passe, débarquant son lot de touristes sur Mystery Island, tel un zinzin de moustiques qui ne trouble la quiétude du mouillage que quelques heures.
Nous retournons au village de Georges avec qui nous avions été à la cascade lors de notre premier séjour.
Sa mère, habitant à Tana, est là ; on retrouve sa femme Caroline, ses enfants, son voisin, déjà rencontrés…
Georges nous emmène sur le chemin des orchidées dont il nous avait parlé; un sentier que son père a tracé dans la forêt, un vrai chemin paysager, bordé de tous les végétaux de l’ile.. Les orchidées ne sont pas encore en fleur, la végétation a envahi le sentier mais Georges ne l’a pas touché depuis la mort de son père il y a six mois. Il doit attendre un an avant de reprendre l’œuvre paternelle.
Il nous explique, comme le Père Rodet à Port Vila, que tout autour du chemin il y a plein de pierres magiques, il les connaît et sait comment communiquer avec leur esprit.
« - Et cette pierre là ? elle a une force ? » Georges ne répond pas, mais il sait comment faire pour que notre promenade soit sans embuche.
Son père était le chef de cette forêt, il en connaissait tous les secrets, mais un jour un sort lui a été jeté. Il connaissait toutes les plantes et leurs vertus médicinales, ainsi que les pierres et leurs pouvoirs ; quelqu’un peut avoir mis dans les buissons une pierre avec un esprit mauvais qui lui a été néfaste.
Georges est aussi sculpteur:
Il nous offrira une sculpture en bois de santal.
Retour à Analgoat.
Marie n’est pas là mais nous faisons connaissance avec Madeleine.
Elle nous parle d’une grande cérémonie coutumière qui va rassembler plusieurs villages à Umete, le village francophone, à deux ou trois heures de marche d’Analgoat. Nous avions prévu de partir pour Lifou, nous restons un jour de plus…Un neveu nous emmènera.
Belle balade au petit matin qui nous fait longer la côte, traverser des rivières, enjamber des collines…
Nous arrivons à Umete, tout le monde s’affaire autour d’un énorme banian. On se croirait au village d’Astérix! Environ trois cent personnes se réunissent aujourd’hui, pour célébrer le premier rasage de cinq jeunes hommes.
La famille d’un des jeunes hommes a organisé une réunion telle qu’il n’y en pas eu depuis vingt ans. Depuis des mois dans les villages on plante les ignames et les taros qui seront échangés à l’occasion de cette rencontre. Beaucoup d’invités sont arrivés la veille, chargés de victuailles, ils ont aidé à préparer la place, le grand four à pierres dans lequel cuisent les viandes et les légumes sous des feuilles de bananier, les décorations en palmes et canne à sucre. Le kava a bien coulé toute la nuit et dans les buissons ça ronfle au masculin tandis que les femmes s’affairent entre les enfants, les décorations, la cuisine.
Nous nous sommes invités, nous n’avons rien amené, sauf du savon de rasage et des tee shirts Kauana pour les futurs rasés selon les conseils de Madeleine, mais nous n’avons pas participé aux préparatifs ni rien prévu pour le système d’échanges qui est à la base de ces réunions. Nous commençons donc par une visite à l’hôte principal. Il comprend notre embarras et accepte les 5000 vatus que nous proposons humblement. A partir de là il nous déclare libres d’aller et venir dans la fête, il veillera à ce qu’on nous apporte à déjeuner, et il nous confie à Nicolas, le chef de district, pour nous guider dans la cérémonie.
Nicolas nous emmène au bord de la rivière où se prépare le rasage.
Chaque « candidat » est rasé par son oncle maternel, qui a amené tout ce qu’il faut pour couper la barbe, peinturlurer le corps et le couvrir de feuillages de « itia », la plante de la paix. Nous sommes un peu perdus dans ce mélange de rites, rires, tablettes et appareils photos mais notre présence incongrue ne perturbe pas.
Les hommes en paréo rouge viennent de Tana , où les cérémonies coutumières se sont mieux perpétrées qu’à Anatom. Ils semblent faire office de guides de la tradition.
Nous retournons sur la place où les jeunes gens, avant d’être rasés, avaient donné le signal d’ouverture des fours. S’ensuit une razzia à laquelle nous ne comprenons pas grand-chose.
Tout est emmené dans des paniers.
Sur la place l’agitation règne. Dans une apparence de grand désordre chacun connait son rôle ; les uns mettent au sol des lignes de nattes, palmes et feuilles de bananiers, les autres y déposent leurs ignames et tarots, d’autres encore amènent la viande et les légumes sortis des fours. Même les chiens savent ce qu’ils ont le droit de faire, lécher les pierres du four, mais s’ils s’aventurent sur la place ils sont pris en charge par le chasseur de chiens et son grand bâton.
Les familles invitées amènent leurs cadeaux pour les familles de rasés : nattes, paniers, canne à sucre, ignames, pièces d’étoffe, même un seau en plastique !
Puis les rasés arrivent, ils prennent place sous le banian derrière les montagnes de cadeaux, encadrés par leurs oncles maternels respectifs.
Les mamans viennent congratuler leur fils, à coup de poudre et déodorant.
S’ensuivent des palabres des chefs, qui exhortent au respect des traditions ; cette fête exceptionnelle est pour eux une occasion de reconquérir un pouvoir qui leur échappe avec le modernisme…
Puis les cadeaux coutumiers sont embarqués pour faire la place à un événement important de cette journée: les « fiançailles », pour utiliser un terme occidental, d’un des jeunes rasés avec la fille de son oncle maternel. Ils se marieront dans quatre ans.
« Mais elle n’a que quatorze ans! et ils sont cousins!
- C’est notre coutume , répond Nicolas. Pour conserver la force des clans il faut que l’esprit reste dans la famille. Ce n’est autorisé qu’entre un garçon et la fille de son oncle maternel.
-Mais s’ils ne se plaisent pas?
- Ils peuvent refuser… mais c’est rare. Là c’est le garçon qui a demandé.."
En voilà un qui doit être heureux ce soir!
Ensuite la cérémonie reprend avec l’attribution des lots de nourriture par les jeunes rasés ; ils font le tour de la place en appelant par les noms de famille, chacun vient prendre son lot.
Pendant que la place se vide un défilé de toute la population s’organise devant les jeunes rasés, c’est pour nous le moment de remettre nos cadeaux.
Autour du banian les enfants se ruent sur les cannes à sucre : une friandise
Quelques femmes et adolescentes tentent des danses coutumières, on sent qu’elles n’ont pas l’habitude.
On nous offre une assiette de repas, on a faim, on mange. Mais Nicolas n’est pas d’accord, c’est le moment d’aller boire du kava. Pour que le kava fasse de l’effet on doit le boire à jeun! ça se passe au bord de la rivière.
Ici pas de pilon, ni de hachoir, les racines de kava sont broyées dans une bouche puis crachées dans une feuille de bananier avant d’être mélangées à l’eau. Des mâcheurs nous préparent une mixture plus concentrée que tout ce qu’on a bu jusque là.
Un bol me suffit, merci ! Je retourne à la danse !
Lorsque le string-band entame des danses plus joyeuses la piste se remplit, les femmes de Tana en tête.
Entre le kava et la danse la fête va continuer toute la nuit; mais nous devons rentrer. Il y a trop de vent, les bateaux ne sortent pas, le retour se fera à pied. En compagnie d’Estelle et son mari nous marchons, de nuit, à la lampe torche, en tentant de ne pas perdre Rémi que quelques bols de kava en trop ont bien déboussolé ! Lui qui doutait…il va quitter le Vanuatu avec un sacré souvenir de son kava!