AUX ILES BANKS
GALERIE PHOTOS UREPARAPARA............
Brise de Sud Est, un thon, on retrouve des eaux poissonneuses… Paysage grandiose, sommets perdus dans les nuages, à moins que ce ne soit les vapeurs du volcan, la pluie qui descend en rideau dans les vallées, nous arrivons à Gaua, la plus Sud des iles Banks.
Lacona bay, une grande baie bordée de sable noir, l’eau est d’une limpidité étonnante, on entend le chant des oiseaux dans les grands tamanu, les pêcheurs qui s’interpellent sur des toutes petites pirogues…Quelle grandeur, et quel repos! Notre mésaventure est déjà loin…
« Ici tout berce, et rassure, et caresse.
Plus d’ombre dans le cœur! plus de soucis amers!
Une ineffable paix monte et descend sans cesse,
Du plus profond de l’âme au bleu profond de mers. » ( V.Hugo. Promenades dans les Rochers)
Avant même que nous ayons mis le pied à terre deux jeunes filles en pirogue approchent du bateau : « You have fish? » Elles repartent avec le thon, sans un mot de plus, elles semblent ne pas en connaître d’autre… Elles sont attendues sur la plage, nous aussi. Accueil chaleureux de Johnstar et sa femme Suzan.
Johnstar est le chef coutumier de toute l'ile de Gaua, une ile connue pour ses histoires de magie noire.
Le système de chefs est fondamental dans la culture ni-vanuatu. Dans chaque village il y a un chef coutumier entouré de petits chefs élus par le conseil des anciens, ce sont des managers chargés de l’organisation de la vie communautaire.
Le chef coutumier hérite le titre et les connaissances de son père mais il doit être coopté par ses pairs, puis franchir des étapes qui correspondent à des pouvoirs supplémentaires jusqu’aux pouvoirs supranaturels. Chaque passage de grade suppose l’offrande de nombreux cochons, qui sont tués selon un rituel précis. Johnstar est au grade maximum, il a des pouvoirs qui dépasse les frontières de l’ile. « Il peut prédire des évènements, guérir à distance, te faire mourir après une coupe de kava ou faire sortir un grand plat à laplap d’un arbre » nous confiera Ben un peu plus tard…
Johnstar ne quitte jamais son arc et ses flèches: « C’est mon frère, dit-il, il est toujours avec moi »
Il revient d’une réunion des chefs coutumiers à Port Vila, « Tu as pris l’avion avec ton arc? - Bien sûr! » Il explique que maintenant les responsabilités de chef demandent des compétences telles qu’ils, les 35 grands chefs réunis, envisagent de recruter sur diplômes. Avis aux bacs+ 5 ! c’est le minimum requis!
Johnstar invite Rémi dans le nakamal; maison communautaire réservée aux hommes qui s’y réunissent pour boire le kava et discuter des affaires du village, ici le nakamal est aussi la chambre à coucher du chef. Les trois sculptures, réalisées dans des troncs de fougère arborescente, représentent le chef entouré de ses deux femmes.
J’ai le droit de m’approcher pour faire des photos.« Mais il faudra faire un cadeau » précise Suzan qui a sa petite maison à côté. Justement son mari a dit à Rémi: « J’aime bien ton tee-shirt! »
Sable noir, terre rouge, chemins sous les grands arbres, on imagine les iles Marquises il y a cent ans…
Il y a des enfants partout; ils nous montrent leurs jeux, les sources d’eau douce sur la plage,
ils nous accompagnent dans nos balades vers les autres villages,
Sous des arbres géants qui laissent passer une douce lumière nous assistons à un spectacle magique : les enfants plongent dans la rivière et nous offrent un concert de bruits d’eau, très rythmés, des percussions obtenues en frappant l’eau plus ou moins fort, plus ou moins profond, avec les mains plus ou moins ouvertes, plus ou moins obliques…Ces rythmes joyeux montent dans la forêt, rebondissent sur les roches polies. Un autre groupe recommence un peu plus loin, et encore un autre, c’est rafraichissant! La water-music, une spécialité de l’ile de Gaua.
Ces deux–là nous montrent leurs talents jusque devant le bateau!
Depuis quelques années les quatre villages autour de la baie de Lacona organisent un festival en Aout, essentiellement pour les voiliers. Ils espèrent avoir une dizaine de visiteurs cette année…
Pêche d’aturés qu'on enfile sur une branche de purao:
La principale production de l’ile est le kava.
Cette botte de racines sera envoyée à Port Vila, elle a mis quatre ans pour atteindre cette taille, elle vaut 10 000 vatus, 85 euros.
Nous partons vers Losalava, au Nord de l’ile. Une dizaine de personnes viennent avec nous, elles se rendent à un rassemblement religieux. A pied il leur faudrait deux jours, en bateau c’est quelques heures…Sur la plage à l’aube Chief Johnstar aide à l’embarquement de ses villageois, son arc est planté dans le sable.
La veille au soir il nous a aussi confié un tambour . «Vous le balancez à l’eau en arrivant, quelqu’un viendra le récupérer… »
Ce n’est pas un beau tambour sculpté comme on en voit dans les musées européens, mais il résonne des précieux messages de Chief Johnstar.
Mission accomplie:
Courte escale à Sola, capitale des Banks, sur l’ile Vanua Lava.
Une grande rue, des écoles et administrations, un réseau électrique offert par l’Australie mais pas encore branché, des petites boutiques traditionnelles. On est à la veille du match France Portugal, l’ambiance est clairement pro-français.
Comme nous avions offert un wahoo pêché en arrivant, Woony tient à nous inviter le soir à boire le kava. Plein de baraques où on s’affaire joyeusement autour des préparatifs.
Belle navigation jusqu’à Ureparapara..un peu perturbée par une blessure: en voulant assommer un wahoo, un autre, qui se débattait dans le cockpit Rémi s’est sectionné le doigt sur la mâchoire du poisson. Une belle entaille qui immobilisera sa main pendant deux semaines.
Ureparapara, une île volcan, magnifique...
Nous entrons dans le cratère, poussés par des rafales dans tous les sens, un grain dramatise la scène
Les fonds s’affichent à quarante, cinquante mètres Un pêcheur en canoë nous indique où mettre l’ancre, près d’une plage.
Ils sont plusieurs autour de nous, les yeux fixés sur le poisson dans la jupe. « On va l’amener au chef pour qu’il le partage, dit Rémi..- Je suis le chef, répond Tomgren en se présentant. On l’aide à mettre le poisson dans son canoë. Il reviendra même un peu plus tard nous demander si on a des palmes…
On se sera tous fait avoir ! Il n’est pas le chef et il n’a rien partagé ! Mais tout le monde viendra nous demander du poisson et des palmes! Puisque lui il en a eu… Racontant cela un peu plus tard à Melody, la femme du vrai chef, qui est absent depuis un mois, elle soupire : « Ah, il est temps que le chef revienne! »
Près de 500 personnes vivent à Urepara, réparties en trois villages.
L’ile est un cône de 15 kms de diamètre. Point culminant 764 mètres. En grimpant au sommet on a une belle vue sur la baie.
Sur les pentes du volcan, les gens construisent leurs maisons, plantent leurs jardins, abattent les arbres pour faire leurs canoës, on est dans un nid au milieu de l’océan.
Ici on utilise autant les canoës, selon le modèle des iles Salomons, que les pirogues à balancier. Les canoës sont plus rapides mais ils prennent moins de charge.
Nous passons de bons moments dans ce mouillage; Melody nous invite à dîner, ses enfants nous guident dans le village.
Tomson, le seul francophone de l’ile, aime bien venir à bord, pour bavarder. Cultivé, curieux de tout, il nous montre des pierres taillées qui témoignent d’un habitat très ancien sur l’ile.
Rémi répare machines à coudre, tronçonneuse, lecteur de DVD...
Il va même reprendre du service comme paysagiste. Frederic veut faire un jardin pour les touristes; il n’y a pas beaucoup de touristes ici, pas d’avion, pas de voiture, un caboteur une fois par mois, trois ou quatre voiliers par an…mais Chief Nicholson est allé à Port Vila chercher des paquebots de croisière, on se souvient du temps où Club Mediterrannée s’arrêtait dans la baie, il faut se préparer…Avec sa femme Frédéric a débroussé un coin de forêt, mais pour eux le mot « jardin » correspond à un potager, le mot « touriste » ils ne savent pas vraiment, et ce qui peut les attirer encore moins …Rémi leur donne des idées, montre des plantes qu’ils connaissent très bien…c’est le bonheur, ils imaginent déjà leur coin de bush plein de fleurs et de touristes.
Nous quittons Ureparapara au lever de soleil, un moment aussi beau que lorsque nous y sommes arrivés.